Archives Marguerite Audoux

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Famille réinventée et dolorisme

D'une façon générale, et pour éviter de répéter les propos de notre thèse et des différents articles et ouvrages que nous avons écrits, nous assortirons aux textes des lettres un appareil critique qui, sauf exception[1], tentera, tout en les rappelant parfois, de se démarquer de nos travaux passés. De même, ici, à propos de l'univers alducien, si nous en revenons d'abord au thème fondateur de l'œuvre, à cette « famille réinventée » qui en est à la fois la pierre angulaire et le ciment, ce n'est pas pour reprendre intempestivement une démonstration qui fut jugée en son temps, mais bien plutôt afin d'insister sur le fait que ce thème est tout aussi présent et actif dans la correspondance.

Le Groupe de Carnetin, au principe d'une famille littéraire qui s'ouvrira à d'autres noms, apparaît bien, en effet, du début à la fin. La première voix qui s'élève est celle de charles‑Louis Philippe. La carte postale du 22 septembre 1904, qui évoque le modèle de Marie Donadieu, nous place d'emblée dans une sphère littéraire où la fiction et la réalité se confondent (marguerite Audoux, en ce sens, parlera à ses correspondants d'Henri Deslois, et non d'Henri Dejoulx…). La carte suivante, du 2 octobre 1907, nous réintroduit dans le même monde, mais cette fois par la forme poétique : « Tu serais bien petite dans la grande campagne, mais ton amitié tiendrait dans mon cœur une telle place que si tu étais à mes côtés les champs et les cieux compteraient beaucoup moins ».

Ces quelques lignes, d'une simplicité et d'une naïveté qui vont bien au‑delà des mots, d'un minimalisme qui préfigure singulièrement Marie‑Claire, ressemblent aux dessins de Francis Jourdain qui illustreront la prépublication du premier roman. Précisément, dans cette correspondance, Francis Jourdain sera le dernier du Groupe – le plus fidèle sans doute, avec Werth ‑ à faire entendre sa voix[2], dans la lettre du 8 février 1936 : « Débordé de soucis divers et de besognes variées, je n'ai pu, depuis bien longtemps, aller t'embrasser, ma chère vieille. Cela me ferait cependant bien, bien plaisir – Je pense à toi bien souvent ‑. »

Entre ces deux termes, et tout au long d'une correspondance qui s'étend sur trente‑deux années, les autres membres sont bien présents. Si Michel Yell n'écrit pas (il cosigne, ou met quelques mots sur les cartes postales adressées aux Fargue par la romancière), si l'on n'a pas de trace des lettres que Marguerite Audoux et lui se sont envoyées (mais elles existent ou ont existé, car ils ne peuvent pas ne pas s'être écrit), il est souvent le sujet principal des propos échangés. Quand la couturière des lettres, dans les premiers jours d'avril 1912, apprend que son compagnon s'est uni à une autre, elle écrit ces mots à Léon Werth : « Mon cher vieux, Je comptais te voir aujourd'hui. Je fiche le camp avec Louise pour quelques jours, du côté de ma Sologne. J'ai appris hier par Chanvin que Michel est marié depuis quinze jours. J'ai la frousse de le voir arriver ici. Avertis Francis dont je ne connais pas l'adresse et dis à tout le monde que je vais bien. Je t'embrasse ».

Réaction à chaud, écrite avec la logique du cœur, qu'on ne peut livrer qu'aux membres de cette famille littéraire dont fait aussi partie Charles Chanvin, que cite la romancière. Dans l'unique lettre de Chanvin que le fonds d'Aubuisson nous a livrée, le juriste déplore que la fameuse rupture ait pris un caractère définitif : « Mais tout de même serez‑vous si sots que de mourir, sans vous revoir jusqu'à la mort ! »

Quant à Marcel Ray, c'est avant tout dans sa correspondance avec Larbaud qu'il suit ce véritable roman. Dans les deux lettres connues qu'il adresse à la romancière, il manifeste surtout – nous y reviendrons ‑ sa verve et son humour à propos des détails de la vie.

N'oublions pas Régis Gignoux, qui n'occupe ici qu'une infime place, compensée par celle que prend Léon‑Paul Fargue, l'ami toujours imprévu, qui jamais ne vient aux rendez‑vous et qui, inlassablement attendu, n'en est que plus présent… En janvier 1911, alors qu'il devait mettre son amie au train, il arrive bien évidemment en retard. La romancière relate la scène à Larbaud : « Tu diras à Polémon que je l'ai vu arriver sur le quai au moment où mon train filait. Il était lancé lui-même comme un train express mais il s'est calmé en te rencontrant. Tu lui as servi de butoir – un butoir bien élastique, si j'ose dire. J'ai vu ton geste précipité vers mon wagon, et le coup d'œil non moins précipité de Fargue, puis je n'ai plus rien vu, mais j'étais contente, contente[3] de l'avoir vu. » Et le 23 mai 1922, alors qu'elle prépare elle‑même le numéro spécial des Primaires consacré… à Marguerite Audoux, c'est encore à Larbaud qu'elle écrit : « Ce cochon de Fargue, que j'aime pourtant plus qu'un frère (mets comme une sœur, si tu veux), ne m'a pas encore donné l'article promis. Je vais encore le lui réclamer aujourd'hui, mais s'il ne me le donne pas pour la fin du mois, c'est fichu. Je ne l'en aimerai pas moins pour cela, comme tu t'en doutes. » Bien entendu, Fargue n'écrira pas une ligne de cet article.

Bien qu'il ne soit pas stricto sensu membre du Groupe de Carnetin, Larbaud, on l'aura compris, fait partie lui aussi de la « famille ». C'est avec Fargue qu'il se rend le 30 novembre 1910 à l'Hôpital général de Bourges où Marguerite Audoux resta neuf ans comme orpheline. La lettre circonstanciée et émouvante qu'il écrit le soir même à son amie, cosignée par « Polémon », et le Prix décerné quelques jours plus tard à Marie‑Claire bouclent, en quelque sorte, la boucle.

Cette ferveur, on la retrouve bien entendu chez Alain‑Fournier, qui, on le sait, part à son tour (mais, plus sportif que Larbaud, à bicyclette) « sur les pas de Marie‑Claire ». C'est lui aussi, autre confident, qui, dans la dernière lettre qu'il lui envoie du front en août 1914, demande à sa consœur de détruire les lettres où il lui parlait d'Yvonne, de peur que Madame Simone puisse les trouver et en prendre ombrage. Il meurt quelques semaines plus tard.

Et en février 1917, Mirbeau à son tour disparaîtra, qui aura été le véritable promoteur du succès de Marie‑Claire, mais aussi l'ami qui met en garde contre les imbroglios éditoriaux, discute les prix, déconseille de publier « Valserine » avant la parution du deuxième roman, parle de son jardin et de ses fleurs, autant de marques de sollicitude et d'amitié que l'on retrouve dans les deux lettres de 1911, citées par Georges Reyer, le premier biographe. Encore inconnue du public est celle de décembre 1909 de marguerite Audoux à Mirbeau, découverte et acquise récemment par François Escoube, et où est confirmée la générosité immédiate du grand écrivain : « Mon très cher ami Francis Jourdain, lui écrit‑elle, m'a dit combien vous vous donniez de peine pour me venir en aide ».

Gide ne manifestera pas le même genre de sympathie pour la romancière. Très présent et avenant au départ avec celle qui connaît le succès – ses premières lettres en témoignent – il se montrera plus froid à partir de mai 1911, époque où le groupe fait front contre Bachelin, chargé de la réédition de La Mère et l'Enfant, et que l'on accuse de vouloir tirer la couverture à lui. « Si cette légende, qui ne repose sur aucun fondement, n'était si loufoque, écrit Gide à la romancière le 19 mai, je la regarderais comme profondément injurieuse pour Bachelin et pour moi‑même. » Le 20 décembre 1910 est déjà loin, date à laquelle Gide écrit à Marguerite Audoux qu'il a dû « gronder » dans sa dernière lettre aux Tournayre (la sœur et le beau‑frère de Charles‑Louis Philippe), qui répandent le bruit que l'auteur de Bubu serait aussi celui de Marie‑Claire

Mais la famille qui apparaît dans la correspondance, et dont on perçoit ici les limites, n'est pas que littéraire. C'est aussi la cellule familiale réelle que Marguerite Audoux construit avec ses trois petits‑neveux qu'elle appelle « ses fils ». Le 7 janvier 1930, elle écrit à Lelièvre : « Mes yeux ne me permettent guère de lire et non plus d'écrire. J'élève mes gosses[4]. L'aîné, revenu du régiment, est sans place, le second commence à se suffire, mais le dernier n'a encore que douze ans et il faudra encore du temps avant qu'il ne gagne sa croûte. Je ne perds pas courage. J'en ai tellement, presque autant que de tendresse. Ce que je puis être riche dans ce sens ! »

D'autre part, dans sa correspondance avec le même Lelièvre, la romancière participe pleinement à la vie familiale qui lui est révélée dans les lettres à présent perdues. Le 12 janvier 1933, elle écrit à son correspondant : « Mais je ne les trouve pas si mal vos petites photos. Vous faites la grimace, c'est vrai, et Lette[5] a un air sévère qui ne lui appartient pas, mais quand même c'est bien vous deux. Votre petit Jacques a le sourire heureux de son âge, et cela fait plaisir de voir cette petite figure insouciante. Quant à Mlle Huguette, c'est une vraie jeune fille, maintenant. Quel dommage que je ne puisse pas voir, pour de bon, ces quatre personnes qui m'intéressent tant ! ». Déjà, en 1911, en villégiature à Saint‑Jean‑sur‑mer dans la famille Jourdain, Marguerite Audoux fait de nombreuses allusions aux « Baboulot », les enfants d'Agathe et Francis. La romancière trouve d'ailleurs que Frantz‑Philippe est fort mal élevé…

Par ailleurs, dans notre corpus, Marguerite Audoux compare sa production littéraire à celle d'une parturiente. Nous atteignons là les strates les plus profondes, et aussi les plus douloureuses. Le 15 décembre 1917, alors qu'elle livre un véritable corps à corps avec son deuxième roman, elle écrit à Lelièvre : « Je corrige tant que je peux, mais il en reste toujours. C'est plus difficile que de faire un enfant, je vous assure. » C'est là le signe, que nous avons souvent évoqué, d'un transfert, lui‑même né d'une stérilité définitive à la suite de la naissance d'un enfant qui n'a pas survécu. La blessure demeure profonde, et là encore, la correspondance témoigne. Quand la romancière apprend que Jeanne Gignoux est enceinte, elle écrit à Larbaud, en mars 1911 : « Si vous saviez comment je l'envie ! Mon vieux désir d'être mère me remonte parfois avec une violence terrible, et tous mes regrets s'amoncellent et font devant moi quelque chose de lourd qui me donne envie de pleurer. »

Ce que la correspondance ajoute également à cette thématique[6], c'est un certain nombre de nuances qui en précisent le caractère. La quête et la réécriture d'une famille passe notamment par une sorte d'intuition divinatrice, qui peut aller jusqu'à la prémonition, jusqu'à la perception, sinon d'un monde antérieur, tout au moins d'un déjà vu. C'est ce que trahit le premier échange épistolaire avec Gide. Dans la lettre que l'auteur des Nourritures terrestres adresse à la romancière, le 28 décembre 1909, une semaine tout juste après la mort de Charles‑Louis Philippe, la formule finale révèle ce sentiment profond : « à bientôt je l'espère ; dès que je vous ai vue il m'a semblé que je vous connaissais depuis longtemps. Croyez à ma sympathie profonde. » Dans la réponse qu'elle lui fait le lendemain, Marguerite Audoux conclut en écho : « Quand vous êtes entré dans la chambre où notre cher Philippe finissait de vivre, quelque chose en moi vous a reconnu et je suis allée à vous comme à un sentiment qui venait augmenter l'amitié qui me liait à notre cher ami. » Il est vrai que l'émotion causée par la mort récente de Philippe ne peut que renforcer ce sentiment, d'ailleurs éprouvé par l'auteur de Bubu lui‑même. Dans le numéro spécial consacré au romancier par la NRF du 15 février 1910, Marguerite Audoux rappelle ces mots prononcés par son ami : « Nous ne connaissons rien des forces qui sont autour de nous. »

Plus concrètement, mais toujours dans une acception élargie, la famille, c'est aussi la communauté humaine. Et c'est précisément en tant qu'humaniste et non‑engagée que l'écrivaine défend celui que les chrétiens appellent le prochain ‑ qui n'est d'ailleurs pas forcément le plus proche ‑ et qu'elle s'assimile aux opprimés. Son histoire, son ascendance obscure l'y poussent. Dans sa lettre à Larbaud du 7 novembre 1910, il apparaît que le Vichyssois a un projet d'article (qui ne sera pas réalisé), sans doute relatif à Marie‑Claire et à son auteur, dont il pense évoquer « l'origine noble ». Le père, Armand Donquichote, serait né en effet des œuvres d'un châtelain prisant les amours ancillaires. « [A]près réflexion je pense qu'il vaut mieux ne pas parler de cette noblesse de sang », écrit‑elle à Larbaud. Et elle ajoute cette confession, somme toute assez rare sous la plume de celle qui abhorre tout propos pouvant prendre une coloration engagée : « Au fond je suis extrêmement fière d'être du peuple. » Sans armoiries, sans parchemin, Marguerite Audoux ressemble un peu au petit joueur de flûteau de Brassens, autre libertaire s'il en fut…

Mesurée, la parole n'en a que plus de vigueur en la matière. L'épistolière a l'art d'insinuer avec force. Quand elle écrit à Gide, qui organise la souscription pour le buste de Charles‑Louis Philippe que réalise Bourdelle et qui sera inauguré au cimetière de Cérilly, après lui avoir demandé de la porter sur la liste pour la somme de cinquante francs, elle ajoute : « Valery [Larbaud] m'a dit que vous vouliez mettre les sommes à côté des noms ; je le déplore pour beaucoup de nos amis qui sont très pauvres, mais si cela ne peut pas être autrement, tant pis. » Plus directement, elle se souciera du sort de la petite Angèle, orpheline d'Émilie Legrand, dite « Millie » (une ancienne maîtresse de Philippe). Elle pousse les deux plus riches de son entourage, Larbaud et Gide, à verser une pension. Dans une dizaine de lettres (23, 37, 50, 51, 59, 100, 101…) elle revient à la charge.

Enfin, si elle se soucie des malheureux, elle‑même n'en évolue pas moins dans un monde de douleur, voire de dolorisme. La reconstruction familiale peut aussi, on l'a constaté, être une impasse. Condamnée à ne pas se marier et à ne pas avoir d'enfants biologiques, Marguerite Audoux trouve certes des dérivatifs, s'invente des succédanés, mais la blessure reste béante. À notre avis, les notations sur la maladie, d'une récurrence presque obsessionnelle dans ce corpus, apparaissent comme une métaphore longuement filée de cette douleur profonde, le signe manifeste d'un drame souvent caché[7].

Certes, en‑deçà d'une interprétation que nous espérons ne pas forcer, la triste réalité est là : la romancière n'est pas « vernie ». Dès l'orphelinat, les problèmes oculaires se révèlent. La correspondance nous permet de suivre la lente dégradation qui s'ensuit. Dès mai 1910 (le 27), c'est une femme déjà un peu usée qui confie à Larbaud les misères occasionnées par ce qui semble être une migraine ophtalmique : « Moi j'ai eu très mal aux yeux ces jours-ci. Si mal que je ne pouvais rien faire de bon. Cela va un peu mieux aujourd'hui. C'est le quatrième jour, et sans doute le dernier, comme chaque fois que ce mal me prend. » Lelièvre prendra le relais de ces confidences. C'est en effet avec lui que la romancière poursuit « l'histoire de ses yeux ». Le 15 janvier 1932, elle lui écrit : « [L]es lumières m'apportent une grande souffrance. Je les évite, comme bien vous pensez. Et sur les conseils répétés du docteur Terson, je mets mes yeux sous cloche. C'est‑à‑dire que je les tiens fermés chaque fois que cela m'est possible. » Puis le 27 septembre 1934 : « J'ai dû passer dans le noir une partie du mois de juillet. Depuis une semaine la vision s'améliore, par instants seulement, aussi j'en profite pour vous écrire mais je pense qu'il me faudra m'y reprendre à plusieurs fois pour finir ma lettre. » Et le 13 janvier 1935 : « Mauvais, les yeux, toujours mauvais. Ah ! les sales bêtes ! Cependant l'affreuse tache noire qui me bouchait presque complètement le jour commence à s'éclaircir. Si tout va bien dans trois ou quatre mois, je pourrai peut‑être reprendre mon bouquin. » On ne s'étendra pas sur tous les autres maux, bénins ou non, qui inondent cette correspondance : rhume, grippe, phlébite, brûlure, entorse, claudication, bourdonnements d'oreille, « bobo » au pouce, entérite, vertiges, palpitations, « patte démolie »… Pour un tel inventaire, il faudrait un Prévert !...

Cette invasion du morbide dans la lettre est peut‑être aussi, objectera‑t‑on, un trait d'époque. À l'heure où la télévision n'existe pas, où le téléphone est encore rare et les moyens de locomotion moins rapides, la lettre est encore le mode d'échange privilégié. La logorrhée téléphonique d'aujourd'hui, aggravée par l'asservissement aux appareils portables, n'est‑elle pas ainsi préfigurée par les présents débordements d'une lettre où il faut « tout dire » ? certes, mais il n'en reste pas moins que toute cette douleur qui s'étale ressemble étrangement à celle, contenue, de l'éternelle orpheline qui trouve souffrance et salut dans la production littéraire. L'écriture de la maladie pourrait donc bien se substituer ici à la maladie de l'écriture.

Si donc cette expression de la douleur peut être la métaphore d'une autre douleur qui renvoie invariablement à l'impossible famille, la prolixité et les débordements que nous soulignons ici peuvent néanmoins avoir une vertu, même et surtout s'ils sont un trait d'époque. Toutes ces lettres, en effet, et en particulier les longues et précises missives envoyées à Lelièvre, sont non seulement un paysage intérieur – qu'il faut alors, en toute légitimité, quelque peu décrypter –, mais encore un document authentique pour cerner les réalités extérieures.

 Bernard-Marie Garreau



[1] Nous avons cru bon, en effet, d'évoquer la trame un peu complexe de « l'affaire Bachelin », qui fait allusion à la véritable saga que fut la réédition de La Mère et l'Enfant, point que nous avions présenté dans notre thèse.

[2] Et avant cette date tardive, bien sûr, il donne à la romancière des nouvelles de la « famille ». Dans la lettre qu'il lui adresse le 13 novembre 1931, par exemple, il lui apprend qu'on a enlevé un œil à Chanvin, et relate par le menu la mort et les obsèques de Gignoux.

[3] Sauf indication contraire, tous les soulignements inclus dans les citations sont du fait des épistoliers.

[4] Le 3 janvier 1924, elle confiait au même correspondant : « Je sais peu de choses de ce qui se fait ou se lit. Mon jardin, où il pousse des enfants, m'absorbe complètement. »

[5] L'épouse de Lelièvre, que Marguerite Audoux, dans sa correspondance avec son ami, appelle parfois « votre petit enfant » (voir par exemple la lettre 163), en un transfert qui s'inscrit, lui aussi, dans la thématique familiale.

[6] Qu'on ne se méprenne pas : il existe bien une thématique de l'œuvre qui ressemble à « celle de la vie ». Rien d'étonnant pour une production à caractère foncièrement autobiographique. Nous ne ferons qu'observer cette coïncidence (au sens premier), mais jamais nous ne mélangerons les niveaux d'analyse. Si un fait demeure obscur dans cette correspondance (qui, avec l'œuvre et la vie, constitue finalement une troisième strate dans la mesure où elle s'inscrit dans le champ littéraire), nous n'irons pas hasarder une hypothèse qui se fonde sur l'œuvre.

[7] Et nous exprimons là toute notre frustration de ne pas avoir été disponible pour participer au colloque sur L'écriture de la maladie dans la correspondance, organisé par l'UMR 6563 de Brest en avril 2002, et au sein duquel nous aurions eu, bien évidemment, beaucoup à développer à propos de Marguerite Audoux. L'alléchante présentation de Marie‑France de Palacio (Centre des Correspondances et Journaux intimes des XIXe‑XXe siècles, Brest, Cahier n° 4, 2004, p. 5‑20) souligne certains aspects proches de ce que nous avançons ici. Avant tout en insistant sur le fait que la maladie peut être «  la condition nécessaire » à «  la création intellectuelle » (Ibid., p. 12). Ensuite en citant des auteurs ou des critiques qui vont dans ce sens : Jean‑Louis Cabanès, par exemple, qui use d'une formule « décisive » qui pourrait s'appliquer à notre romancière : « L'écriture de la maladie est réflexive, elle renvoie à la poétique qui la fonde. » [« Invention(s) de la syphilis », Romantisme, n° 94, Nosographie et décadence, 1996, articles réunis par Jean de Palacio, p. 89‑109]. (Ibid., p. 19).


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