Mythologia

Natale Conti, Mythologia, 1567-1627 : un laboratoire éditorial


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Les mythographes et le "goût de l’Antiquité"

Comment les hommes de la Renaissance et du XVIIe siècle se représentaient-ils Rome, la Grèce et les autres peuples de l’Antiquité ? Comment comprenaient-ils les mythes antiques : à travers quels filtres les recevaient-ils et quel intérêt trouvaient-ils aux récits et aux images de la mythologie ? On peut aussi s'interroger sur les usages qu'ils ont fait de ce riche fond. En un mot, qui est "l'autre" antique pour les hommes des XVIe et XVIIe siècles ? Il nous reste beaucoup à apprendre sur ce que Jean Racine appelle "le goût de l'Antiquité" (préface d’Alexandre le Grand, 1666).

La tradition mythographique constitue un domaine particulièrement fécond pour répondre à ces questions. Comme l’a montré Jean Seznec (La Survivance des dieux antiques, Londres, The Warburg Institute, 1940), le tournant vers la Renaissance fut causé par un sens inédit de la perte du patrimoine antique, en même temps que par le sentiment d’une urgence à le sauvegarder. Cette urgence fut à la mesure de l’admiration qui amena savants et poètes à désigner l’Antiquité gréco-romaine comme le berceau de la pensée européenne. Mais elle raviva du même coup des questions d’ordre théologique, moral et historique : comment accepter que le paganisme soit à la fois un modèle – spirituel, moral, intellectuel et artistique – et le berceau exécré d’une religion ennemie, encore sentie comme telle malgré le recul du temps ?
Les mythographes renaissants, qui infléchissent la longue tradition herméneutique consacrée aux fables antiques, entendent répondre à cette injonction de conservation et ménager des voies de compromis inédites entre paganisme et christianisme.

Ces textes déjouent la logique narrative ou poétique des mythes, qui nous est familière, pour lui substituer une logique interprétative, fondée sur d’autres cohérences : la généalogie et l’étymologie plutôt que l’histoire ; le réseau paradigmatique des figures plutôt que leur lien narratif ; l’accumulation des versions et des autorités qui laisse à chacune sa validité plutôt qu’une synthèse qui chercherait à unifier, à ordonner et à hiérarchiser pour expliquer. Proliférantes, répétitives, sans autre logique immédiatement perceptible qu’un sens presque affolé de l’ajout, les mythographies renaissantes mettent à mal notre sens moderne de la non-contradiction et proposent un mode de relation au savoir qui nous est devenu étranger. On sait pourtant qu’aux XVIe et XVIIe siècles les mieux diffusées, en particulier Le Imagini degli dei degli Antichi de Vincenzo Cartari (1556) et les Mythologiae libri decem de Natale Conti (1567), étaient dans toutes les mains.



Les Mythologiae libri decem de Natale Conti

Publiée pour la première fois à Venise en 1567, les Mythologiae libri de Natale Conti (1520-1582) sont la dernière des mythographies du 16e siècle. Tributaire de ses prédécesseurs qu’il pille abondamment, Conti formule d’une nouvelle manière les questions associées à la mythologie païenne. Il articule deux approches jusque-là séparées, en traitant les mythes conjointement comme des réalités anthropologiques – des croyances liées à des pratiques rituelles – et comme des fables – des discours allégoriques porteurs de savoirs et appelant l’interprétation. Ainsi les Mythologiae libri couronnent et trahissent tout à la fois la tradition mythographique. Car Conti, ce savant touche-à-tout, est un philologue faussaire : il mime les travaux de ses contemporains les plus sérieux. Démasqué par d’éminents hellénistes (Casaubon, Scaliger), il n’en a pas moins atteint son but : la Mythologia, dédiée à de hauts personnages (Charles IX, Henri de Bourbon Condé), a été pendant deux siècles dans toute l’Europe une médiation indispensable vers l’Antiquité pour les savants, les pédagogues, les poètes et les artistes.



Un texte en métamorphose

Après la première édition de 1567, Conti amplifia considérablement l’ouvrage et donna une deuxième édition qui parut en 1581 à Venise et à Francfort dans deux versions différentes. À Francfort, André Wechel fit appel à Johannes Opsopoeus pour revoir les citations grecques, tandis que Friedrich Sylburg commentait, non sans réserve, les fragments grecs inédits produits par Conti. Par la suite, le texte latin et grec resta stable, mais la traduction française prolongea ses métamorphoses : Jean de Montlyard traduisit l'oeuvre en 1600. Le traducteur coupe, résume ou accroît des citations, ajoute de nouvelles étymologies et impose, par le jeu de la traduction, une coloration nouvelle au texte. Cette version, sans cesse remaniée, connut cinq éditions (1600, 1604, 1607, 1611 et 1612). En 1627, enfin, Jean Baudoin édita cette version en actualisant la langue déjà sentie comme rêche du traducteur. Des gravures, enfin, adjointes au texte à partir de l’édition lyonnaise de 1612 puis renouvelées sous l'égide de Baudoin, contribuèrent à la transformation de l’objet. Dans le même temps, de nombreuses rééditions du texte latin assurèrent le rayonnement européen des Mythologiae libri.



Nous éditons quatre états de l'œuvre

Les Mythologiae libri decem ont été diffusés dans toute l'Europe pendant plus de cent ans. Ils comptent au moins 27 éditions différentes : 21 en latin et 6 en français. Les quatre éditions que nous rassemblons ici ont été retenues pour l'intérêt particulier qu'elles présentent dans l'histoire éditoriale de l’œuvre.

1. L'édition originale de Venise, segno della fontana, 1567, accompagnée d'une série d'index et memento.
2. L'édition revue et augmentée par son auteur, publiée chez André Wechel, Francfort, 1581. Deux correcteurs sont intervenus sur le texte de Conti pour l'amender et l'étudier. Dans cette édition, les Mythologiae libri decem sont accompagnés d'un traité de Natale Conti sur la chasse, le De Venatione, que nous n'éditons pas.
3. La traduction produite par Jean de Montlyard, éditée par Paul Frellon, Lyon, 1612 : c'est le dernier état du texte revu par Montlyard et la première édition illustrée des Mythologiae libri.
4. La traduction de Montlyard revue par Jean Baudoin, qui adapte la langue de Montlyard au goût du jour. Cette édition est illustrée de dix planches originales et accompagnée de quatre courts traités mythographiques (Giraldi, Hygin, Cornutus, Albricus). Elle est parue chez Pierre Chevalier et Samuel Thisboust à Paris, 1627, dans une forme luxueuse. Le texte français n'a pas connu de réédition ultérieure. 



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Nous avons défini un corpus d'essai au sein de l'édition de 1627. Ce corpus est composé des livres II et III ainsi que de chapitres isolés des livres IV, V et VI. Il est décrit par un jeu de descripteurs spécifiques, qui permet de recenser
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