Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - III, 18 : De la Lune Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De la Lune.

CHAPITRE XVIII.

Genealogie de la Lune.LES diuers parens qu’on donne à la Lune & à Hecate montrent qu’elles eſtoient differentes, puis que les vns ont creu que la Lune eſtoit fille d’Hyperion, les autres d’vn certain Pallas, entre leſquels eſt Homere, qui en l’hymne de Mercure la qualifie

Fille du Roy Pallus diſcret, ſage prudent.Heſiode en ſa Theogonie tient qu’elle eſtoit fille d’Hyperion & de Thie :Hyperion & Thie aſſemblez par amourEngendrerent la Lune & le Flambeau du iour,Et l’Aube aux yeux vermeils, qui ouurant la paupiereDes hommes et des Dieux, leur fait voir la lumiere.

Les autres croyent bien qu’elle ait eſté fille du Soleil, mais non pas ſœur : teſmoing Euripide, qui l’appelle

Clairté du cercle doré, filleDu Soleil, qui ſans ceſſe brille.

Noms, habits, cheuaux & chariot de la Lune.Et d’autant qu’elle emprunte ſa clarté du Soleil, qui porte le nom de Phœbus, elle a auſſi eſté appellee Phœbé, & la faiſoit-on cheminer en chariot, comme Virgile au 10.

Phœbé battoit deſia dans ſon char noctiuageLe milieu de l’Olympe enuoilé de nuage.

Elle naſquit en Delos, & pourtant fut appellee Delienne, & comme le Soleil auoit quatre Cheuaux, auſſi la Lune n’en auoit que deux ; teſmoing M. Manilius au 5. de ſon Aſtronomie :

Le Soleil a ſon char quatre cheuaux attelle,Mais la Lune de deux ſe contente pour elle.

Toutesfois les autres diſent que ſon chariot eſtoit tiré par vn mulet les autres par deux cheuaux de diuers poils, l’vn blanc & l’autre noir : les autres par des Bouueaux. Ouide dit au 1. liure du remede d’amour, que les Cheuaux de la Lune eſtoient blancs :

La Lune marchera de cheuaux blancs porteeSur ſon coche ſelon ſa couſtume vſitee.

Mais Homere en l’hymne de la Lune, ne dit pas ſeulemẽt qu’elle euſt accouſtumé de ſe faire porter en chariot, ains auſſi d’vne douce elegance Poëtique, qu’elle prenoit vne robe blanche, & la deſpoüilloit quand elle vouloit, d’autant que ſelon la couleur de ſes habits elle eſt tantoſt claire, tantoſt embroüillee & obſcure : & dit que deuant que poſer ſa robe elle ſe lauoit dedans l’Ocean :

La Lune derechef ſe lauant dedans l’eauDe l’Ocean ſe veſt d’vn habit blanc et beau,Puis ſes cheuaux attelle à ſon char de parure,Viſte, legers, qui ſont d’vne haute encoulure.

D’autres ont dit que la Lune eſtoit femme de l’Air, duquel elle auoit conceu vne fille ayant nom Roſee, comme dit Alcman :

La Roſee naiſſant de l’Air et de la Lune,Donne aux herbes des champs nourriture commune.

Quelques-vns ont eſtimé qu’vn tẽps fut que la Lune n’eſtoit point encore reconnuë, & qu’on croyoit qu’elle fuſt plus ieune que le Soleil : joint que ces Arcadiens qui demeuroient prés d’Apidan, riuiere de Theſſalie, ſe vantoient d’eſtre nais deuant elle, comme teſmoigne Apollonius au 4. des Argo-Nochers.

On ne faiſoit encore aucune mentionDes Danaes diuins, ny d’autre nation,Qui fuſt plus vieille d’ans que cette ArcadienneManant prés d’Apidan, qui plus eſt ancienneQue la Lune & deuant encor que le CroiſſantAux lambrix eſtoillé fut oncq apparoiſſant.Ils eſtoient (ce dit-on) ſans ſoucy des campagnes,Se repaiſſans de gland au faiſte des montagnes.

Theodore au 29. liure eſcrit, que la Lune apparut vn peu deuant la guerre qu’Hercule fit aux Geans. Ariſton de Chio & Denys de Chaſcis en diſent autant. Cauſe qui fit croire aux Arcadiens qu’ils fuſſent plus Anciens que la Lune.Mais Mnaſeas dit que Proſelene, fils d’Orchomene regna en Arcadie : ce qu’auſſi maintient Duris de Samos au 15. liure de l’Eſtat de Macedoine, qui dit qu’il nomma l’Arcadie de ſon nom, & la riuiere d’Orchomene du nom de ſon pere. C’eſt ce qui a fait dire audit Mnaſeas que les Arcadiens ſont nais deuant la Lune, & que Proſelene leur donna ſon nom, & qu’ils furent appellez Proſelenes, comme qui diroit, Auantlunaires ; car les Grecs appellent la Lune Selené. Dauantage on dit qu’elle eſtoit cornuë, tel auſſi que les Anciens pourtrayoient Bacchus, comme dit Orphee en l’hymne d’iceluy :

Lune, Deeſſe, Royne, eſclairante, cornuë,Qui chemines de nuict & cours parmy la nuë.

Audit hymne il la qualifie maſle & femelle ſelon qu’elle croiſt où decroiſt ;

Croiſſant & decroiſſant elle eſt maſle & femelle.

Les Poëtes l’equippent de fleches, & l’appellent Cynthienne, d’vne mõtagne en Delos tres-celebre & fort haulte, ou l’on dit qu’Apollon & Diane naſquirent. Or Diane n’eſt autre choſe que la Lune, cõme nous le montrerons en ſon lieu. Voicy comment Horace au 3. liure des Carmes luy donne des fleches.

Il te faut chanter ſur ta lyreLes honneurs de Latone, & direLes dards de Diane legers,Viſte volans emmi les airs.

Office de la Lune.Elle a eu la reputation de preſider & d’eſtre commiſe ſur la magie & ſorcellerie ? & pour ce ſujet on l’inuoque auec Hecate en la Pharmaceutrie de Theocritece, qui monſtre qu’elles eſtoient diuerſes, puiſqu’on les nomme ſeparément. Les Anciens ont creu que par art magique on la pouuoit faire deſcendre du Ciel : car ils penſoient que les ſorciers peuſſent abolir la Lune & le Soleil ; & iuſques au temps de Democrate : on appelloit communément les eclipſes ou defauts de la Lune & du Soleil, Abolitions : ce qu’on peult recueillir de ces vers de Soſiphane.

Il n’y a fille en TheſſalieQui ne l’ait par charme abolie :Mais c’eſt vn fabuleux parler,Qu’elle puiſſe tumber de l’air.

Ce qu’auſſi eſt declaré par ces vers de Virgile en la 8. Eclogues :

Les vers magiciens tirent du ciel la Lune.

Theſſaliennes ſorcieres & magiciennes.Les femmes de Theſſalie auoiẽt le bruit d’eſtre bien verſees & experimentees en cette ſorte de charmes, teſmoin Ariſtophane és Nuees :

Si i’achepte vne enchantereſſe,Vne Theſſale charmereſſe,Par vn preſtigieux deduitIe prendray la Lune de nuit.

Or les Anciens ont eſcript que cette croyance veint de ce qu’on accommodoit certains miroirs ronds en telle ſorte, qu’ils repreſentoient la Lune tout ainſi que ſi on l’euſt arrachee du Ciel. Et ce traict fut de l’inuention de Pythagoras, qu’en pleine Lune quelqu’vn eſcriuiſt auec du ſang tout ce qu’il voudroit en vn miroir, & que le liſant à vn autre il ſe tint derriere luy, monſtrant à la Lune ce qu’il auoit eſcrit : & que puis-aprés ayant les yeux attentifuement fichez ſur elle, il vinſt à lire tout ce qui eſtoit eſcript au miroir, tout ainſi que ſi cela meſme euſt eſté eſcript au corps de la Lune. Ie croirois bien que l’artifice de Cornelius Agrippa ait pris ſa force de ce traict là, qui en ſa philoſophie occulte ſemble toucher le moyen de faire que ceux qui ſont bien loing de nous puiſſent lire en la Lune ce que nous deſirons qu’ils ſçachent. Ce qui fut fait du temps que le grand Roy François I. faiſoit la guerre à l’Empereur Charles V. pour la Duché de Milan. Car on dit que plus d’vne fois ce qui ſ’eſtoit paſsé à Milan le iour, fut ſceu à Paris la nuict ſuiuante. Pourquoy les Theſſaliennes auoient la reputatiõ de ſorcieres.Ainſi doncques on tenoit que les femmes de Theſſalie eſtoient bien entenduës en matiere de ſorcellerie, parce qu’elles ſ’exerçoient en l’Aſtronomie : & entre autres on dit qu’Aglaonice fille du Roy des Theſſaliens eut vne parfaite cõnoiſſance de cette ſcience là : & quand la Lune eſtoit preſte d’eclipſer ou defaillir, elle ſe vantoit de vouloir l’arracher du Ciel. Mais pource qu’elle trompoit le monde, Dieu ne permettant pas qu’on face impunement aucune fraude, elle deueint mal’heureuſe & cheut en de grandes miſeres & pauuretez : de là veint que quand quelqu’vn faiſoit mal ſes affaires, on diſoit qu’il tiroit la Lune du Ciel. Le premier qui oſa faire entendre aux hommes les defauts de la Lune, fut Anaxagoras, comme dit Diogene Laërtien en ſa vie : Eclipſe de la Lune prodigieuſe aux anciens, eſclaircie par Anaxagoras.& enſeigna le premier comment ſon eclipſe ſe faiſoit : quant à celle du Soleil, elle eſtoit aſſez cõnuë, & perſonne ne ſ’en eſtonnoit, ſçachans bien qu’elle auenoit quãd le corps de la Lune ſe met entre-deux : mais ils cuidoient que l’eclipſe de Lune menaçaſt de quelque grand malencontre auenir. Car les Anciens ont touſiours eu opinion que ce dont ils ne connoiſſoient pas la cauſe auinſt diuinement : & les Philoſophes n’en oſoient diſcourir. Voyla pourquoy on diſoit qu’ils le faiſoient pluſtoſt pour denigrer leur religion, que pour eſclaircir la verité, comme dit Plutarque en la vie de Nicias. Mais Anaxagoras meſpriſant les menaces de ces faulſes religions, enſeigna le premier que la terre entremiſe entre les deux plus excellens & plus remarquables planetes, fait vne ombre ainſi qu’vne pyramide, dont le ſoubaſſement eſt en la plaine, & ſur le dos de la terre, & le couppet ou faiſte monte ſi haut qu’il paſſe par deſſus la region de la Lune. Aucuns tiennent que Typhon, Endymion & Anaxagoras eſt de cet auis. Quand ces planetes ſont oppoſez l’vn à l’autre, de façon que le centre de l’vn ſ’oppoſe par droite ligne au centre de l’autre, & au centre de la terre : alors la Lune couuerte d’ombre ſe cache entierement, & ſa clairté vient à defaillir tout à coup. Mais quand les cẽtres des deux planetes ne ſont pas oppoſez, plus le centre d’icelle eſt eſloigné de droite ligne du centre de l’autre, moins elle ſ’obſcurcit. Plutarque en la vie de Paul Æmile nous apprend la crainte & l’eſtonnement qui ſaiſiſſoit les Anciens quand telle eclipſe de Lune auenoit : Nottable ſuperstition des anciens.La Lune eſtant pleine et haulte deuient obſcure, & ſa lumiere defaillant, ſ’eſuanouit ayant pluſieurs fois changé de couleur. Et comme les Romains (ſelon leur couſtume) rappelloient ſa lumiere par bruit & tintamarre d’inſtrumens d’airin, tendans vers le Ciel force feux, torches & autres luminaires, les Macedoniẽs ne firent rien de ſẽblable : mais toute l’armee fut ſaiſie de crainte & d’eſpouuentemẽt. Et Nicias Capitaine des Atheniens ſe voyant inueſti par ſes ennemis, la Lune defaillant, fut ſurpris de telle frayeur, que ne voulant rendre combat il ſe laiſſa tuer auec quarante mille des ſiens, comme dit Plutarque au diſcours de la ſuperſtition. Les Anciens donc auoient opinion voyans la Lune eclipſee, ou paſle, ou blanche de couleur, qu’elle euſt eſté enchantee. Et pour deſtourner cet enchantement, que le bruit eſclattant de poëſles, vn chariuari de vaiſſeaux d’airain & force lumieres leuees en hault, ſeruoient à la Lune pour luy faire recouurer ſa lumiere quand elle venoit à defaillir. C’eſt pourquoy Ouide au 4. des Metamorphoſes appelle l’airin, ſecours de la Lune, quand on le fait retentir :

Quand follement on fait l’airin ſonner & brairePour ſecourir l’eclipſe à la Lune ordinaire.

Les autres taſchoient de rendre à la Lune ſa lumiere par ſon de trompettes, clairons & autres inſtrumens de muſique, & ſelon qu’elle paroiſſoit ou claire ou obſcure, ils ſ’eſiouïſſoient ou ſe contriſtoient : & ſi quelque nuee leur venoit broüiller la veuë, ils croyoient que les tenebres l’euſſent enuelopee (ſelon que l’eſprit de l’homme vne fois eſtonné ſe laiſſe aiſément emporter à la ſuperſtitiõ) & prenoient cela pour tres-mauuais augure, penſans que ce leur eſtoit vn preſage de beaucoup de malheurs, & ſigne que les Dieux eſtoient indignez contre eux, & que leurs actions ne leur eſtoient point agreables. Car les Anciens auoient opinion que le tintement de l’airin ſeruoit non ſeulement pour le defaut de la Lune, mais auſſi pour ceux qui treſpaſſoient, pource qu’il eſt ſi pur & clair qu’on ne le ſçauroit purifier dauantage : & pour cette raiſon on ſ’en ſeruoit quand il eſtoit queſtion de faire quelque expiation, reueuë ou reparation d’vne faulte paſſee. Nous apperceuons aiſement qu’apres le Soleil la Lune a plus de puiſſance que les autres planetes, encore qu’elle ſoit plus petite de beaucoup : car la Lune (cõme les Mathematiciens le prouuent) n’eſt pas quaſi plus grande que la moitié de la terre ; au lieu que les autres eſtoilles qui apparoiſſent ſont plus grandes que toute la terre. Or ſa forme ne ſe diuerſifie pas ſeulement ou en croiſſant ou en decroiſſant, La lune petite de corps grãde en effect. mais auſſi elle change de païs, & du Zodiaque decline tantoſt vers le ſeptentrion, tantoſt vers le Midy : & comme par fois à quelque ſemblance du plus court iour de l’an, & par fois auſſi du plus long. En ſomme beaucoup de choſes prouiennent & decoulent d’elle, dont tous les animaux de la terre ſe nourriſſent vigoureux, & viennent en aage & maturité. Et pourtant les Chaldeens diſoient ordinairement que la Lune gouuernoit la natiuité de ceux qui ve-noient au monde, veu que les eſtoilles remarquent & eſpient ce qui eſt adioint & accompagne la Lune. Mais pour ſçauoir au vray le naturel de la Lune quant à ſes qualitez & changemens, i’ay trouué bon d’inſerer icy quelques vers d’vn Poëte Grec qui les deſchiffre clairement & ſelon le cours ordinaire d’icelle :

Tu peux en mon eſchole voir,Si tu deſires de ſçauoirQu’elle eſt la vraye cognoiſſanceQue tu dois auoir de l’eſſence,De la Lune. Elle tient de faictDes plantes la vertu, l’effect.On la ſent fort humide naiſtreIuſqu’à tant qu’elle vienne à croiſtre :Elle eſt tout-ſemblable aux enfansQui vont d’aage en aage croiſſans.Quand elle eſt au plain, elle eſt tiedeDe moyenne chaleur, qui aideFort à la generationDe toute agreſte nation.Lors on void ſa vigueur paroiſtre :Et comme elle vient à decroiſtre,Apres deux fois dix iours paſſez,Ses effects ſont deſia caſſez,D’vne partie, & ſe deſſechePeu à peu, tant que l’aage ſecheDe la vieilleſſe la ſurprendQui deforme & froide la rend,Enueloppee de nuage,Et vient à faillir de courage.Alors ployant ſous le deſtin,Elle fait ioug, & prend ſa fin.Puis tout à l’inſtant meſme, celleQui n’eſtoit plus, ſe renouuelle,Et paroiſt d’un viſage frais,Gaillard & vermeil, dont les raisDe iour à autre ſe rempliſſent.Tout ce qu’on en dit de ſurplus,N’eſt digne d’eſtre creu, non plusQu’vn vain babil vn conte, ou fableQui ne dit rien de verittable.

Or la Lune eſt ſubiette à ces changemens ſelon qu’elle eſt ſituee re-#gardant le Soleil : car comme ainſi ſoit que touſiours la moitié de la Lune eſt eſclaircie, il auient qu’en ſes conionctions cette partie de la Lune qui eſt haulte, & que nous ne pouuons apperceuoir, eſt illuminée, laquelle ſe leue quaſi touſiours ſur la terre auec le Soleil. Mais en pleine-Lune il en va autrement, lors que ſeulement cette partie que nous voyons eſt claire & oppoſee au Soleil, veu que quand elle eſt mõtee au milieu du ciel, nous auons minuict. Or cela auient, ou plus, ou moins, ſelon que plus, ou moins, elle ſe recule du Soleil. Mais puiſque le corps de la Lune n’eſt pas faict d’vne groſſe & maſſiue matiere comme eſt la terre, Xenophane repris.c’eſt merueille comment Xenophane a peu dire que la Lune eſtoit habitee, & quelle contenoit en ſon enclos beaucoup de villes. Quant à moy i’eſtime que ce qui luy a faict tenir ce propos, c’eſt d’autant que tout ainſi qu’és villes bien peuplees il y a beaucoup de gens qui ont l’eſprit ſi fretillant, qu’ils ne demandent qu’à remuer meſnage : de meſme en prẽd il à la Philoſophie : car il y en a qui pour monſtrer qu’ils n’ignorent rien, y introduiſent des nouueaux monſtres, pour dire qu’ils ont inuenté quelque choſe. Ainſi en fit Nicetas de Saragoce, diſant que le Ciel, le Soleil, la Lune, les Eſtoilles, & en ſomme tous les corps celeſte ſe tiennent fermes ſans ſe mouuoir, & qu’il ny a rien au monde qui branſle, ou qui ait mouuement que la terre : laquelle ſe contournant autour de ſon ayſieu, il diſoit que toutes les choſes auenoient qui auiendroient ſi le Ciel ſe mouuoit, la terre demeurant ferme & arreſtee. Amours de la Lune. Note déplacée par les éditeursVoyez le 4 liu. cap. 8. On trouue beaucoup de fables touchant la Lune, comme qu’elle ayma Endymion en Latme montagne de Carie, & qu’elle coucha auec luy ainſi que le montre Catulle :

Comme le doux Amour expert en induſtrieFit deſcendre la Lune en Latme de Carie.

Et Ouide en cette epiſtre que Leander a eſcript à Hero :

La Lune me montroit ſa face lumineuſe,Eſtant à mes deſſeings bien fort officieuſe.Deeſſe (di-ie alors leuant au Ciel les yeux)Aßiſte moy d’vn air propice & gracieux :Vueille toy ſouuenir de cette chere roche,En laquelle tu fis vne amoureuſe approcheVers ton Endymion, quand ton cœur en fut pris :Il ne veut que rudeſſe aigriſſe tes eſpris.

Virgile au 3. liu. des Georgiques dit, qu’elle deuint amoureuſe de Pan tranſformé en Belier :

D’vne blanche toiſon (ſi ce conte l’on priſe)Ainſi te trouuas-tu, Lune iadis ſurpriſePar Pan Dieu Arcadic, te huchant és forts bois,Et tu ne deſdaignas ſon amoureuſe voix.

Rhian Candiot au 13. liure d’Heraclee dit que la Lune coucha auec Endymion és montagnes prés de Trachynie, ville de Theſſalie, dicte depuis Heraclee, du nom de Hercule. Et Nicandre en l’Eſtat d’Ætolie eſcrit que ces montagnes-là furent nommees Aſelenes, comme qui diroit, ſans Lune, parce que durant le temps que la Lune dormit auec Endymion, ſa clarté ne leur apparût point. Pauſanias és Eliaques dit qu’Endymion fit cinquante filles à la Lune ; & entre autres maſles vn nommé Ætole, qui par meſgarde ayant tué Cheron fils de Cleodore ſ’enfuit en Hyante, qui de ſon nom fut depuis appellee Ætolie. Les Egyptiens auoient de couſtume de ſacrifier au Soleil, à la Lune, & à Bacchus, des Truïes ; teſmoin Herodote en ſon Euterpe : Les Egyptiens croyent qu’il ne ſoit pas loiſible d’offrir aux autres Dieux des Truïes : mais ils en offrent au Soleil, à la Lune, & à Dionyſe au meſme temps, aſſauoir au plein de la Lune, & les mettans en pieces en banquetent : auquel paſſage il traitte des diuerſes ceremonies qu’on obſeruoit en ſacrifiant leſdites Truïes. Les autres nations n’offroient point de Truïe qu’à Cerés ſeule : & parce que la Lune eſt cornuë, ils luy ſacrifioient le Taureau, comme dit Lactance au liure de la faulſe religion.

¶$Mythologie de la Lune.$Voilà quant aux Fables qui concernent la Lune : il faut en peu de paroles expoſer ce que les Anciens ont entendu par elles. Ils diſent qu’elle fut fille d’Hyperion, d’autãt que les corps d’en-haut cheminẽt au deſſus de nous d’vn mouuement continuel & treſviſte. Voila l’etymologice du d’Hyperion, qui vault autant à dire cõme cheminant en hault. Les autres n’ont pas eſgard à cette etymologie, mais ils pẽſent que c’eſt d’autant qu’vn nommé Hyperion fut le premier qui obſerua le cours & mouuement des Aſtres (lequel fut auſſi qualifié pere des eſtoiles) & ſur tous du Soleil & de la Lune : ce qu’Homere ſemble vouloir ſignifier au 1. de l’Odyſſee par les vers ſuiuans :

Ils ſe perdirent tous par leurs propres folies,Par leur impieté : car en leurs compagniesIls mangerent les bœufs du fils d’Hyperion,Qui les priua du bien de voir leur region.

Pourquoy elle est fille & ſœur du Soleil.Et d’autant que la Lune reçoit ſa clairté du Soleil, elle eſt dicte fille du Soleil, & ſœur auſſi, parce qu’on tient qu’elle eſt nee d’Hyperion quand & quand le Soleil ; ou pource qu’elle eſt nee en meſme temps & d’vn meſme pere, à ſcauoir de Dieu createur de tout l’Vniuerss : ou d’autant que le Soleil luy fait part de ſa lumiere comme à ſa ſœur : ou parce qu’ils ont fraternellement diuiſé les ſaiſons entre eux, veu que la Lune commande ſur la Nuict, & le Soleil ſur le iour. Car le Soleil eſtant de ſoy meſme clair & luiſant, la Lune n’a point de lumiere, qu’autant qu’elle en reçoit du Soleil pour l’enuoyer puis-apres cà bas comme fait vn miroir les formes qui luy ſont repreſentees. Elle va en chariot, à cauſe de ſa viſteſſe, que le commun peuple ne pouuoit autrement comprendre. Ce qu’elle s’habille de robes de diuerſes couleurs, cela fut inuenté pour demontrer la diuerſité des changemens qui luy ſont ordinaires : & ce pource qu’elle ſe baigne dans l’Ocean, c’eſt ſuiuant l’opinion commune, que de toutes parts elle eſt autant plus eſloignee de la terre que des eaux. Quant à ce qu’ils diſent qu’vn temps fut que la Lune n’eſtoit point, c’eſt vne mocquerie, attendu qu’ils n’alleguent ny artiſan, ny forgeron qui l’ait forgee. Plaisant conte pour exprimer la nature de la LuneEt pour exprimer la nature de la Lune, ou pluſtoſt de beaucoup de perſonnes qui changent d’heure à autre, les anciens ont feint que la Lune pria vne fois ſa mere qu’elle luy vouluſt faire vne camiſole, ou chemiſe, propre à ſon vſage, laquelle luy fit reſponſe que cela ne ſe pouuoit faire, d’autant que tantoſt elle eſtoit pleine, tantoſt recroquillee en cornes, tantoſt croiſſant, tantoſt decroiſſant ; & pourtant que la chemiſe ſe deſchireroit quand elle viendroit à croiſtre, & tumberoit à bas quand elle decroiſtroit. Pourquoy elle eſt nommee Lucine.En outre on l’a nommee Lucine, parce que la Lune à demy plaine, les humeurs croiſſans, facilite l’enfantement des femmes, & fait venir leur enfant en lumiere. Elle eut vne fille nommee Erſe, qu’elle conceut de Iupiter ; car les Grecs appellent ainſi la roſee, qui change ſelon que la Lune eſt forte ou foibe. Elle eſt maſle & femelle, à cauſe qu’elle fournit aux animaux d’humeur & de nourriture, & parce que de nuict elle fait office de maſle enuoyant vne certaine chaleur qui ſert de beaucoup pour faire pourrir en terre & germer les grains & autres biens propre : à l’entretien de cette vie. Pour cette raiſon les hommes luy ſacrifioient habillez en femmes ; & les femmes en hommes. En apres elle eſt equipee de fleches, ou à cauſe des rais qu’elle tranſmet çà pas pour corrompre les biens qui ſont ſous terre, & les faire germer, ou bien à cauſe des douleurs que les femmes endurent en couche, veu qu’elles ne different en rien des douleurs que les grandes bleſſeures apportent. C’eſt pourquoy les femmes en trauail d’enfant l’inuoquoient pour alleger leur mal, à fin que leurs enfans naſquiſſent auec moins de peine, la nommans Lucine : & eut pluſieurs autres noms ſelon les diuerſes facultez & vſages qu’elle auoit. Elle eſtoit bien verſee en ſorcellerie, parce que les Planetes deſpoſees en certain rãg & ordre ont de merueilleuſes forces & proprietez. Mais pource qu’elle meſme eſt auſſi nommee Diane, nous en diſcourrons au chapitre ſuiuant.