Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - VII, 17 : De Dedale Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De Dædale.

CHAPITRE XVII.

Parens de Dædale.Dædale, que ſon nom meſme monſtre auoir été homme fort ingenieux, n’a pas eſté embrouillé de tant de fictions fabuleuſes, qu’à peine s’en peut-il dépatoüiller, ſinon à fin qu’il ſeruiſt d’exemple aux hommes pour bien & ſagement viure. Zezes en la dixneufieſme hiſtoire de la premiere Chiliade, dit qu’il fut fils d’Eupalame ou d’Eupheme, & d’Alcippe : Mais Pherecyde le fait fils d’Erechthee Athenien, & d’Iphinoé. Il eſtoit du ſang Royal, de la famille de ceux qu’on appelloit Metionides. Pauſanias en l’hiſtoire de Bœoce eſcrit qu’il fut fils de Palamaon. Les autres diſent que c’eſtoit vn fevre d’Athenes, fils d’vn nommé Mitio. Ses inventions.Ceſtoit le plus induſtrieux homme de ſon temps, inuenteur de beaucoup de choſes, comme de la coignee, du niueau, ou plomb de charpentier, de la terriere, du glu & ciment, & de la façon des voiles & antennes des nauires. De là veint la fable des ailes de Dædale, que nous expoſerons tantoſt. Auantures.Or ne fut-il pas moins renommé enuers toutes les nations du monde, pour l’excellence de ſon art, que pour ſes auantures & diuers inconueniens. Il s’enfuit d’Athenes pour auoir par enuie ietté d’vne maiſon en bas Attale, ou Acale, fils de ſa ſœur Perdice : les autres diſent Telés ſon apprenty. Car ayant faict ce beau chef-d’œuure, il ſçauoit bien à quelle loy il eſtoit ſubiect. Craignant donc d’encourir le ſupplice porté par l’ordonnance, il ſe ſauua vers Minos Roy de Candie, où l’vn de ſes diſciples, Endæe Athenien, le ſuiuit. Pauſanias és Attiques dict que celuy pour l’amour duquel il s’abſenta du pays ſe nommoit Cale. Ce Cale eſtant ſon apprentif inuenta la rouë aux potiers, & le tour auec les inſtrumens neceſſaires ; la ſcie, à l’imitation d’vne maſchoire de ſerpent, qui auoit rongé vne petite pierre : dont Dædale trop enuieux, craignant que la gentilleſſe de l’eſprit de ce ieune garçon n’offuſquaſt ſa renommee, le tua malheureuſement. Car c’eſt l’ordinaire des eſprits qui ont quelque choſe par deſſus le commun, de ne pouuoir ſouffrir, ny veoir de bon œil, aucun qui les ſurpaſſe, non pas meſme qui les égale, attendu qu’ils veulent touſiours emporter le deſſus de tous autres. Il apprit de Minerue l’Architecture & tout ce qui en depend, auec la maçonnerie & charpenterie, au moyen de laquelle, arriué qu’il fut en Candie, ſa venuë fut tres-agreable au Roy & à ſes filles à cauſe des belles beſognes qu’il faiſoit de ſes mains. Voyez li. 6. chap. 5. & liure 7. chap. 9.Il dreſſa vn Labyrinthe à l’imitation de celuy d’Egypte, ſuiuant le pourtrait qu’il en apporta, mais racourcy. Puis-apres deuenu familier auec la Royne Paſiphaé, ſçachant qu’elle eſtoit eſperdument amoureuſe d’vn Taureau, ou comme les autres diſent plus vray-ſemblablement, du Capitaine Taure (or il faut noter que Venus en deſpit du Soleil qui decela ſon adultere auec Mars, faiſoit du pis qu’elle pouuoit à tous ceux qui luy appartenoient : & Paſiphaé eſtoit fille du Soleil) Dædale fit d’vn merueilleux artifice vne vache de bois (d’autres eſcriuent auec plus d’apparence, vne maiſonnette de bois) dans laquelle Paſiphaé s’enfermant auec ſon mieux-aymé, iouyt de ſes amours. Ce qu’eſtant depuis deſcouuert, il fut auec ſon fils Icare confiné dans le Labyrinthe meſme en priſon perpetuelle pour y finir ſes iours. Mais ayant trouué moyen d’en eſchaper (comme il eſtoit fort ingenieux) il ſe ſauua dans Inyque ville de Sicile vers le Roy Cocale, ayant en chemin perdu ſon fils Icare, qui pour eſtre encore foiblet, delicat & tendre, effrayé de l’horreur de la maree furibonde, ſe laiſſa choir dedans, où il mourut. Et comme Minos le pourſuiuoit auec vne galiotte, il vint premierement ſurgir en cette coſte de Sicile où depuis il fonda la ville qu’il nomma Minoë, puis arriué en la Cour de Cocale, où il fut tres-honnorablement receu, le ſupplia de luy liurer Dædale entre ſes mains. Ce que refuſant Cocale, qui faiſoit eſtat de pecher grandement contre le droict des gens, s’il sabandonnoit à ſon ennemy, celuy qui eſtoit retiré en ſa Cour comme en vn aſyle & haure de ſeureté ; joint qu’il le connoiſſoit homme de ſeruice : la guerre ſe declara entre les Siciliens & Candiots. Tandis que Dædale ſeiourna en Sicile, les Siciliens le tindrent en telle reputation, que par toute l’iſle, voire par toute l’Italie, la celebrité de ſon nom trotoit par la bouche d’vn chacun. Or comme il eſtoit en priſon, voyant tout moyen luy eſtre oſté de ſe ſauuer, & par terre & par mer, il ſe reſolut d’eſſayer ſa fuite à trauers l’air. Feignant donc vouloir faire quelque choſe de bien ioly qui pourroit appaiſer la colere de Minos, il demanda des plumes & de la cire : ce que luy eſtant donné, il fit des aiſles & pour luy, & pour ſon fils affin de s’en voler hors de la puiſſance de Minos, qui pour lors eſtoit grand ſeigneur & ſur terre & ſur mer. Et comme il accommodoit ces ailes aux coſtez, il aduertit expreſſement ſon fils qu’il ne montaſt point trop haut, de peur qu’approchant trop du Soleil, ſon ardeur ne luy fiſt fondre ſes ailes ; qu’il ne deualaſt auſſi trop bas, de peur que les vapeurs de la mer ne les rendiſſent trop moiſtes : mais qu’il priſt ſa route par la moyenne region de l’air, & le ſuiuiſt en volant. Exemple de Iuuenile temerité.Neantmoins Icare, à la façon des ieunes gens, penſant que cela n’importaſt pas beaucoup, mettant en arriere les paternelles, profitables & ſalubres remonſtrances qui luy auoient eſté faictes : ſe piaffa tant auec ſes aiſles, qu’il entreprit de monter au plus haut de l’air ; ou ſes aiſles fonduës par la chaleur du Soleil, il tomba dans la mer, qui depuis fut nommee mer d’Icare. Dædale vola iuſqu’en Sardaigne, & de là à Cumes, où il baſtit vn Temple à Apollon. Femmes & enfans de Dædale.Il eſpouſa vne fille de Gortyne en Candie, de laquelle il eut Scyllis & Dipœne : & d’vne autre femme de Candie, Iapyx : & d’vne eſclaue nommee Naucrate, Icare. Au demeurant les Anciens auoient accouſtumé deuant que Dædale fuſt en vogue, de mouler & fondre leurs ſtatuës & images ſans mains, ſans pieds, & ſans yeux, n’ayans encore l’induſtrie de leur contrefaire toutes les parties du corps, comme fit Dædale, qui le premier les rendit accomplies de tous leurs membres. Et pourtant on luy donna la reputation d’auoir elabouré des images qui cheminoient pource qu’elles auoient des pieds. Ce fut le premier qui leur cizela des yeux, des mains, des cuiſſes & des pieds : au lieu que les plus anciennes auoient les yeux clos, les mains pendantes, & comme attachees aux coſtez. Les autres diſent, que les Rhodiens firent les premiers de telles ſtatuës equippees de toutes leurs pieces. Si n’y auoit-il point encore de perfection en l’art de Dædale, fuſt à tailler, fuſt à grauer. Car Pauſanias en l’hiſtoire de Corinthe dict que la beſongne de Dædale eſtoit groſſiere, & ne contentoit point la veuë, toutefois elle auoit quand & ſoy ie ne ſcay quel air diuin. Entre les plus rares œuures qu’il ait faites, on faict mention d’vne chaire de litiere ſe ployant & fermant, qui fut dediee en la chappelle de Minerue ſurnommee Polias à Athènes : les autres diſent, en la citadelle d’Athenes. Ils celebroient vne feſte qu’ils appelloient Dædalee, laquelle on dict auoir eté commandee pour tel ſujet. Iunon eſtant vn iour en mau- uais meſnage auec Iupiter, ſe retira en Eubœe : & Iupiter ne l’ayant ſceu par aucune maniere appaiſer, s’en alla trouuer Cythæron. Roy des Platæens, homme de grande aſtuce & de bon conſeil : lequel donna cet auis à Iupiter, de faire vne image de bois, la veſtir richement, & la proumener, faiſant courir le bruit qu’il s’en alloit eſpouſer Platæe fille d’Aſope. Ce que Iunon apperceuant, meuë de ialouſie, accourut incontinent, & ſe ruant ſur ceſte image luy deſchira de colere ſon habillement : lors recognoiſſant la fourbe, & qu’elle auoit eſté plaiſamment deceuë, elle fit ſon appointement auec Iupiter. En memoire de ce facecieux trait, les Platæens celebroient de ſept en ſept ans vne feſte & ſolemnité qu’ils appelloient feſte de Dædale, & mettoient vne ſtatüe de bois, dicte Dædale (or toutes les images de bois s’appelloict anciennement Dædales) ſur vn chariot, laquelle auec grande pompe & magnificence on conduiſoit en la chappelle de Iunon, teſmoin Philarche au XIX. liure de ſes hiſtoires. Toutesfois il n’eſtoit pas loiſible de la faire de toutes ſortes de bois indifferemment : ains procedoient à l’election du bois en la maniere qui s’enſuit. Il y auoit vne fuſtaye de Cheſnes en la Bœoce prés de l’Alalcomene, la plus vieille & plus grande qui fuſt en tout le pays : ceux de Platæe entroient dedans, & ſemoient deçà, delà, des lopins de chair bouïllie. Là deſſus entre les autres oyſeaux qui les venoient aſſaillir, les corbeaux leur donnoient beaucoup de peine, leſquels ils taſchoient de toute leur puiſſance de chaſſer, & les empeſcher de manger ceſte viande. Quand aux autres volatiles, ils eſpioient celuy qui empoigneroit quelque piece de ce bouïlly, & ſur quel arbre il ſe percheroit ; c’eſtoit celuy qu’ils abbatoient, & en faiſoient l’image, à laquelle ils addreſſoient leurs prieres & deuotions : car il n’eſtoit pas permis de faire les Dædales d’autre arbre que de celuy qui euſt eſté par ce moyen remarqué. On dit que Dædale deſcouurit par vn merueilleux artifice vne grotte prés de Selinus, d’où fortoit vne ſubtile vapeur, & ſi plaiſante à flairer, qu’elle trempoit les corps humains d’vne ſueur auec telle ſuauité que les malades en receuoient aiſément gueriſon. Au reſte pluſieurs excellens & braues imagers & ſtatuaires ſont ſortis de la boutique de Dædale : entre leſquels ne furent pas des moindres, Onatas d’Ægine fils de Micon, Ageladas d’Argos, Damophon de Sicyone, Arceſilaus de Chio, Leocharis de Sidon, Alcmenes de Cypre, & autres. Et puiſque nous ſommes ſur ce propos, ie croy que ce ne ſera pas choſe ſuperfſuë, ny deſplaiſante de faire vne liſte de ces excellens ouuriers, qui ont preſque en meſme temps excellé, tant en peinture, taille, fonte, que ſculpture, ou graueure, & cotter les plus principaux chefs de leurs œuures, & notamment en la peinture, laquelle n’eſt pas fort eſloignee des diſciplines qu’on appelle liberales. Car qui eſt-ce qui voudroit ſeparer la peinture nourrice de toutes bonnes ſciences, & ſinge (par maniere de dire) de nature, d’auec leſdites diſciplines, veu que c’eſt elle qui comme vne hiſtoire muette imite beaucoup plus exactement les geſtes, les proüeſſes, les formes, & les couleurs du corps, que la langue ne les peut exprimer, & les met és mains de la poſterité ? Cet art ſi familier à la Grece, mere nourriſſiere de toutes bonnes ſciences, contrefaiſant les plantes & les animaux, a ſi bien iadis imité les œuures de nature, lors que les grands de ce monde l’ont accompagné de leur faueur, qu’il a meſmement oſé entrer au pair auec Nature, exprimant d’vn admirable artifice & induſtrie tout ce qu’il y a de ſingulier en toutes les œuures de Nature. Ce que connoiſſans fort bien les Grecs, ils auoient vne louable & honneſte couſtume, de dreſſer leurs ieunes Gentils hommes, pour leur premier apprentiſſage, à bien tirer les trais & lineamens d’vn corps : laquelle ſcience ils empreignoient en leurs tendres eſprits auec les arts liberaux, entierement inconnuë, voire deffenduë aux ſeruiteurs & eſclaues. Et de faict il s’en eſt trouué de ſi parfaicts en l’art de peinture, que leur beſogne exprimoit non ſeulement les traits du corps, les figures & les couleurs : mais auſſi les Phyſionomes y pouuoient deſcouurir combien telles perſonnes pourtraites auoient veſcu, ou pouuoient viure. Apellés entre autres eut ce don & cette grace. Et ce qui plus eſtoit admirable, on pouuoit remarquer en ſa peinture les affections & les mouuemens de l’eſprit de ceux qu’il auoit pourtraicts. Suiuant ce qu’il peignit en vn tableau le peuple Athenien, en telle façon qu’on y cognoiſſoit tout ce que ie viens de dire. Auſſi certes ſi la peinture ou ſculpture ne conſent auec la phyſionomie, il n’en faut faire beaucoup d’eſtime. Et pourtant on employe principalement toute ſon induſtrie à bien contrefaire la teſte, puis à bien repreſenter les extremitez des membres. Car c’eſt alors qu’on cognoiſt la perfection des pourtraits & des figures, ſi l’on y peut apperceuoir que leur phyſionomie s’accorde auec ce qu’ils ont exploité en leur vie : autrement il les faut laiſſer aux ouuriers pour la garde de leurs boutiques. Voicy doncques les noms de quelques excellens ouuriers auec la liſte des plus memorables pieces de leur ouurage que les Anciens ont remarquees.

Agacrite diſciple de Phidias fit vne Minerue à Ithone, & vn Iupiter de bronze prés de Coronæe en Bœoce.

Ageladas d’Argos fit vn Iupiter Empereur à Meſſine : & vn Hercule ſans barbe aux Achæens ; le territoire deſquels n’eſt maintenant qu’vn village que quelques-vns eſtiment eſtre celuy qu’on appelle à preſent Accathou, en Cypre. Item vn Iupiter ayant face d’vn ieune garçon, de bronze : puis quatre cheuaux auſſi de bronze, que ceux d’Argos enuoyerent par vœu à Delphes, & les Tarentins autant.

Alcmenes braue ſculpteur fit vne image de Venus & de Iunon poſee ſur le chemin de Phaleres tirant à Athènes : vne autre de Mars armé : vne autre de Venus d’vne merueilleuſe beauté au quartier de la ville qu’on appelloit le quartier de la Nuit. Item l’effigie de Bacchus en ſon Temple, d’yuoire & d’or auprés du theatre de la ville. Et celle d’Hecaté à Athenes ayant trois corps ioints enſemble. Item l’Idole d’Æſculape, à Mantinæe en Arcadie : & les labeurs d’Hercule en Bœoce, en forme de Coloſſes de marbre.

Alciſtere, femme (car il s’eſt auſſi trouué d’habiles femmes en cet art) peignit vn braue ſaulteur. Pareillement Ariſtarete fille & eſcholiere de Nearche fit vn bel Æſculape : & Lala de Cyzique touſiours vierge, fut tres ingenieuſe à pourtraire au pinceau les femmes, dont elle en peignit grand nombre, & elle meſme à trauers vn miroüer.

Alcmen diſciple de Phidias tailla à Thebes vn Hercule & vne Minerue de marbre en forme de Coloſſe.

Amphion de Gnoſe fils d’Aceſtor fit aux Cyreniens vn Batte aſſis ſur vn chariot, ayant pour chartier ſa mere Cyrene, & la Nymphe Lybie qui mettoit vne couronne ſur la teſte de Batte.

Anaxagore d’Ægine fit en la ville d’Olympe vne image de Iupiter, & vn Hercule de bronze combatant le Lyon de Nemæe, & l’eſtouffant entre ſes bras.

Androbe excellent peintre entre autres ouurages fit vne Danaé que les vents emportoient à trauers la mer, laquelle les pirates comme tout eſtonnez admiroient. Puis il peignit vn merueilleux Hercule aſſis ſur vn bucher en la montagne d’Oete, lequel laiſſant dans le feu tout ce qu’il auoit d’humain, paroiſſoit eſtre auec grand ioye receu par la cour celeſte au ciel. Item vn Scyllis de Sycione braue nageur, meſme entre deux eaux, qui à nage s’en alla couper les ancres de la flotte de Xerxes Roy de Perſe, quand il s’en vint faire la guerre aux Grecs. L’Empereur Neron fit depuis tranſporter à Rome cette image.

Anterme, Miciade & Malas firent enſemblément vne Diane de pierre à ceux de Laſos en Candie, & vne autre à ceux de Chio, qui ſelon l’optique montroit vn air de viſage ſeuere & courroucé à ceux qui entroient en ſon Temple : mais quand on en ſortoit elle paroiſſoit appaiſee & benigne. Ils firent auſſi d’autres pieces de marbre blanc.

Antiphane d’Argos moula Caſtor & Pollux à Delphos. Il fondit auſſi vn cheual de bronze, & vne Lucine aſſiſtant à vne femme en trauail d’enfant.

Antiphile ne fut pas des moindres peintres, & fit beaucoup de belles œuures : mais entre autres vn enfant courbé ſoufflant vn feu, lequel feu s’allumant vn peu à ce ſouffle, la maiſon ſembloit en eſtre aucunement eſclairee de nuict. Il peignit auſſi vn beau Satyre couuert d’vne peau de Panthere.

Apellés de Cone cedant à perſonne en habileté & excellence de peinture, peignit vne tres-belle Venus ſortant des vagues de la mer : le viſage & le ſein de laquelle il tira ſur celuy d’vne ſienne amye, Phryne, femme belle en toute perfection, ſi bien que durant les feſtes de Neptun & de Cerés on l’auoit priſe pour Venus. Elle prenoit ſes cheueux à deux mains, & les eſpuroit ſur le bord de la mer, auec tel artifice que c’eſtoit choſe merueilleuſement belle à voir. Il fit auſſi vne excellente Diane : & en Epheſe il peignit vn Alexandre tenant en main le foudre de Iupiter, & triomphant : & aupres de luy, la Guerre ayant les mains liees ſur le dos. Item, Caſtor & Pollux, & la Victoire. Il peignit auſſi Clyte à cheual s’en allant à la guerre, auquel vn page tendoit ſon habillement de teſte. D’auantage vn heros tout nud d’vn excellent ouurage à cauſe des parties de ſon corps merueilleuſement bien tirees ; & vn cheual de guerre ; & Archelaus auec ſa femme & ſa fille. Mais la plus belle piece qu’il fit oncques, ce fut Antigone encuiracé cheminant à cheual ; Et parce qu’il n’auoit qu’vn œil, Apellés fut le premier qui trouua moyen de faire cacher à la peinture ce qui manquoit à la nature : car il ne fit voir que cette moitié de ſon viſage, qui eſtoit entiere, ombrageant ſi bien l’autre partie que ſon imperfection ne paroiſſoit point. Il peignit auſſi ce que le pinceau ne peut bonnement exprimer, les foudres & les tonnerres. Il auoit commencé à ceux de Co vne autre belle Venus, mais la mort en fut enuieuſe : ſi que la Parque luy tranchant le filet de ſa vie, il ne put l’acheuer. Il mit en lumiere quelques volumes contenans la doctrine de l’art de peinture. Alexandre le Grand fit tant d’eſtat de ſon excellence, qu’il ne voulut eſtre pourtrait d’autre main que de celle d’Apelles.

Apollodore Athenien, qui fut en vogue en la 93. Olympiade, bon peintre, peignit auec vne admirable induſtrie vn Aiax foudroyé par Iupiter : duquel on faiſoit tant d’eſtime en ce temps-là, que iamais on n’auoit veu rien de ſi beau. Il fit auſſi vn excellent tableau d’vn Preſtre adorant.

Arceſilaüs peignit Leoſthene Capitaine Athenien qui défit les Macedoniens en deux batailles, en Bœoce, & aux Thermopyles ; & ſes enfans auſſi : tableau d’eſmerueillable & rare beauté.

Arcides natif de Corinthe a acquis l’honneur en l’art de pourtraiture, d’auoir été le premier auec Telephanes de Sicyone, qui ait exercé cette ſcience : leſquels ne tiroient en leurs pourtraits que les traits & les lignes des figures, ſans y appliquer aucune couleur : ains au lieu des couleurs ſemoient des lignes au dedans, de là veint que les vns diſoient l’inuention de pourtraire & peindre eſtre Corinthienne, les autres Sicyonienne. Mais parce que ces ouuriers n’imitoient guere bien la nature, comme encore groſſiers en leur art, force leur eſtoit d’eſcrire en leurs tableaux les noms de ceux qu’ils vouloient pour- traire. Car qui ne ſçait bien qu’il n’y a choſe qui contreface plus proprement la nature que les couleurs, ſi elles ſont ſeamment coniointes auec les lineamens tirez au vif ? car il faut que l’vn & l’autre s’accordent gentiment enſemble pour bien repreſenter vne effigie : que ſi l’vn des deux manque, l’artiſan perd ſa peine. Et pourtant il faut que les imagers & les Statuaires qui ne ſçauent ſinon imiter en marbre ou metaux les traits ſeulement, confeſſent qu’ils manquent au principal de leur ſcience. Que les peintres doncques auoüent qu’ils ont beaucoup d’obligation à Periphante Corinthien, qui fut le premier inuenteur des couleurs. Les vns neantmoins attribuent l’inuention des lineamens à Philoclés Ægyptien, les autres à Cleanthés Corinthien.

Ardale fit deux belles pieces, deux Vulcans, l’vn à Delphes, l’autre au Temple de Minerue Polias, de bronze. De ſon temps il ſe trouua grand’quantité d’habiles peintres & de braues Statuaires & fondeurs de metaux en figures d’hommes & de beſtes. Et combien que les images fonduës, moulees & taillees ſoient de plus longue duree que les peintes au pinceau, qui ne reſiſtent ſi bien aux iniures du temps, & qu’elles puiſſent obtenir vne meſme analogie de membres que la peinture : toutefois elles n’ont pas les couleurs, qui eſt le principal ornement de nature, & l’indice par lequel on remarque les mœurs, les humeurs & le naturel des perſonnes pourtraites, ce nonobſtant il s’eſt trouué des artiſans, qui en peignant, fondant & cizelant ont montré l’habileté & l’adreſſe de leur eſprit.

Argee ayant fondu vn Iupiter de bronze, tailla auſſi puis aprés vn bel Apollon de bois : comme Atale Athenien ayant faict en l’iſle de Naxe vn Hercule de pierre, tailla depuis vn Apollon Lycien en bois.

Ariſtidés Thebain fut ſi excellent peintre qu’il ne donnoit pas ſeulement les vifues couleurs à ſes pourtraits : mais fut auſſi le premier qui imita les mouuemens de l’eſprit. Il peignit la bataille d’Alexandre le Grand contre les Perſes, œuure memorable & de merueilleuſe beauté. Il peignit auſſi le pere Liber auec ſon Ariadne, tableau qui fut vendu ſix mille ſeſterces. On y voyoit au vif repreſentee vne femme eſtrangement eſperduë & troublee en ſon eſprit ; & vn petit enfant qui à la priſe d’vne ville ſe trainoit de pieds & de mains pour gaigner la mammelle de ſa mere qui ſe mouroit du coup qu’elle auoit receu, & paroiſſoit eſtre extremement affligee pour l’amour de ſon enfant. Il peignit d’abondant vn chariot à quatre rouës & quatre cheuaux, & des chaſſeurs auec leur gibier, & vn vieillard auec vn luth en main, qui montroit à vn enfant, & ſembloit s’affliger de la groſſeſſe & peſanteur de l’eſprit d’iceluy ; & vn malade, dont l’on faiſoit beaucoup d’eſtime.

Ariſtocles de Cydon, fils & diſciple de Cleœtas fit vn tres-beau Ganymede de Bronze aux Eleens, qu’vn Aigle emportoit à Iupiter : & vn Hercule combattant l’Amazone pour gaigner ſon baudrier.

Ariſtolaus fils de Pauſanias fit de beaux tableaux de Pericles, Epaminondas, Medee, Venus, du peuple Athenien & Theſee.

Ariſtomedon fit pluſieurs ſtatuës de Bronze à Delphes ; entre autres vne excellente Latone portant ſon petit Phœbus, & menant par la main ſa petite Diane.

Ariſtonome d’Ægine fit vn Iupiter de bronze aux Eleens, tenant d’vne main vn oyſeau, & de l’autre la foudre, auec vne guirlande de diuerſes fleurs ſur ſa teſte.

Aſcar, diſciple d’Ageladas Sicyonien, fit auſſi aux Eleens vn Iupiter de bronze, enguirlandé de fleurs, & tenant en ſa main droite la foudre, comme tout preſt à l’eſlancer. Il fit auſſi vn Pan luttant auec Cupidon.

Aſclepiodore ne fit (que nous ſçachions) qu’vne piece digne de remarque, à ſçauoir, vn tableau des douze grands Dieux.

Athenion de Maronee (auiourd’huy Marogna, en Thrace) braue peintre, diſciple de Glaucon Corinthien, peignit aux Atheniens les femmes ſolemniſans la feſte des paniers : c’eſt à dire portans ſur leurs teſtes des paniers pleins de diuerſes fleurs au Temple de Cerés. Il fit auſſi vn Achille habillé en femme, & ſurpris par Vlyſſe : dauantage vn excellent tableau d’vn eſcuyer auec vn cheual.

Athenodore Lacedæmonien fit à Delphes Apollon & Iupiter de marbre.

Bathycles Magneſien, bon Statuaire fit aux Lacedæmoniens vne chaire pour le Temple d’Apollon d’Amycle, en la prouince de Lacedæmone, & vn Minautore de bronze, que Theſee trainoit en vie, lié & garroté. Cette chaire auoit par deuant deux Graces, & par derriere deux Heures qui la ſouſtenoient : à main droite des Tritons, à gauche Typhon & l’Hydre. Iupiter emportoit Taygete, & Neptun Alcyone. On y voyoit auſſi le combat d’Hercule auec Cygne, & la bataille des Centaures & des Lapithes donnee en la maiſon du Geant Phole ; & l’exploict de Perſe à l’endroit de Meduſe , & le duel d’Hercule auec le Geant Thurie, & de Tyndare auec Euryte : le rauiſſement des filles de Leucippe : Mercure portoit au Ciel le Pere Liber nouuellement né : Pelee donnoit ſon fils Achille à Chiron pour le nourrir & endoctriner. L’Aurore rauiſſoit le beau Cephale : Achille ſe battoit auec Memnon : Hercule coupoit le col à Diomede, & entrainoit l’Hydre & le chien de Pluton : touchoit les bœufs de Geryon : ſur le bord d’enhaut il tuoit les enfans d’Actor ; eſtrangloit le Lyon, puis ſe battoit auec le Centaure : Oree luittoit auec Acheloüs, & mettoit à mort Neſſe vers la riuiere d’Euene en Ætolie.

Voyez liure 9. chap. 12.On y voyoit les nopces d’Harmonie, auec les preſens des Dieux. Mercure conduiſoit les trois Deeſſes au iugement de Pâris : Iunon regardoit Io muee en vache : Minerue s’enfuyoit de deuant Vulcan qui la vouloit violer : Bellerophon aſſommoit ce monſtre de Lycie : Calais & Lethe chaſſoient les Harpies de Phinee : Theſee, & Pyrithoüs rauiſſoient Helene : Apollon & Diane ſacmentoient Titye à coups de flèches : Admet atteloit à ſon carroſſe vn Sanglier & vn Lion. Il y auoit encore pluſieurs autres ſpectacles outre l’image de Diane, ſurnommee Leucophryne.

Boëte Carthaginien fit aux Eleens vn beau petit enfant tout nud doré, aſſis aux pieds d’vne Venus de marbre, faite iadis par Cleon de Sicyone. Car il y a eu pluſieurs ouuriers qui ont eſté loüez pour vne meſme piece de valeur : comme Timothee qui fit à Trœzene le ſigne d’Æſculape : Theopompe d’Ægine, qui fit vn Taureau de Bronze à Delphes : Theocles Lacedæmonien, qui tailla les cinq Heſperides aux Eleens : Polycles qui fit vn Hermaphrodite de bronze : Nicodame Mænalien qui fondit aux Eleens vne Minerue armee de ſon habillement de teſte & de ſon ægide : Mendæe Pæonien, qui fit aux Eleens vne Victoire de bronze montee ſur vne boule. Hermion de Trœezene, qui tailla aux Samiens vn Apollon Pythien. Hippatodore, qui fit en la ville d’Aliphere en Arcadie vne Minerne de bronze, belle & grande à merueilles : Iphicles, qui fit vne Lionne ſans langue à cauſe d’Ariſtogiton, impudẽt orateur d’Athenes, que les Atheniens appelloient Chien, pour ſa meſdiſance & ſa mordacité accouſtumee : Leocharis, pour auoir fait vn Iupiter Polyee en la citadelle d’Athenes : Callon d’Ægine pour auoir faict aux Eleens vn tres-bel enfant Mamertin de bronze (les Mamertins ſont auiourd’huy ceux de Meſſine en Sicile) & vne Minerue de bois en la citadelle de Trœzene : Calyphon de Samos, à cauſe de la Diſcorde de bronze au Temple de la Diane d’Epheſe : Eleuthere à cauſe de ſon Bacchus de marbre blanc au Temple du pere Liber, prés le theatre d’Athenes : Euchir Athenien, à cauſe de ſon Mercure de marbre qu’il fit à Phenee en Arcadie : Endæe diſciple de Dædale pour ſa Minerue de marbre aſſiſe en la citadelle d’Athenes : Dorycyde Lacedæmonien, diſciple de Dipœne, pour la Themis de marbre qu’il fit aux Eleens : Epee pour vne Venus de bois au Temple d’Apollon Lycien : Endie pour vne Minerue d’Alee faicte d’yuoire.

Bryaxis a eſté loüé pour auoir fait vn Apollon de bronze & vne Iunon aux Pheneates, & les effigies d’Æſculape & d’Hygie ſa fille aux Atheniens, en vne chapelle de Iupiter ſournommé le Poudreux, laquelle n’auoit point de couuerture.

Bularche qui auoit la vogue en la ſeizieſme Olympiade, peignit d’vn merueilleux artifice la bataille des Magneſiens d’Ionie : dont le tableau fut tant priſé, qu’il fut payé à ſon peſant d’or.

Buthiee diſciple de Myron fondit vn enfant ſoufflant vn feu, & les Argo-Nochers, & l’Aigle emportant Ganymede rauy par le commandement de Iupin. Elle eſtoit ſi gentiment contrefaite, qu’elle ne le bleſſoit point de ſes griffes. Puis il fit vn Apollon eſtoffé d’vn diademe.

Calamis fit d’excellentes beſongnes aux Eleens ; des enfans de bronze ; tendans les mains : & vne image de Victoire ſans ailes aux Atheniens : vn Æſculape ſans barbe aux Corinthiens d’or & d’yuoire, qui de la main droite tenoit vne pomme de pin, & de la gauche vn ſceptre. Il fit en outre vne Lionne de bronze à cauſe de l’inconuenient de Piſiſtrate à Athenes, & l’image d’Ammon à Thebes : vn Mercure de bronze à ceux de Tanagre en Bœoce, portant vn mouton ſur l’eſpaule : vn Apollon Chaſſe-mal aux Atheniens, & l’idole d’vne Venus de bronze.

Callimache fit vne lanterne de fonte qui bruſloit vn an entier, ſans que toutefois l’huile s’y conſommaſt, laquelle il poſa à Athenes au chaſteau de Minerue. Il fut le premier qui perça les pierres. Il fit auſſi aux Platæens vne Iunon fiancee.

Caliphon Samien peignit au Temple de la Diane d’Epheſe la bataille des Troyens vers les vaiſſeaux des Grecs, & principalement vne Diſcorde auec vn viſage hideux.

Canache Sicyonien fit vn Apollon Phileſien, c’eſt à dire amiable, & vne biche merueilleuſement belle. Item aux Mileſiens vn Apollon gemeau, & aux Thebains vn autre Apollon ſurnommé Iſmenien à cauſe d’vn coutau prés de Thebes : & vne Venus d’or & d’yuoire aux Corinthiens : toutefois ſa beſongne eſtoit rude & groſſiere, & ne tiroit pas bien au vif.

Cephiſodore qui fleurit en la 90. Olympiade, fit aux Atheniens vne Paix de fonte, qui portoit vn Plute en ſon ſein, & vn Autel de Iupiter, & vne Minerue ſur le port d’Athenes.

Cephiſodore & Xenophon firent aux Arcadiens vne effigice de Diane Sauuereſſe, de pierre Pentelique.

Chalcoſthene Athenien a eu auſſi la reputation d’vn excellent ouurier, combien qu’il ne trauaillaſt qu’en ouurage de terre ; & à cauſe de la quantité d’images & ſtatuës de terre qu’il vendoit en vne place d’Athenes, elle fut nommee la place au potier.

Charés Lyndien fit le Coloſſe du Soleil ſur le port de Rhodes, de merueilleuſe hauteur ſur tous autres qui furent oncques ; ayant ſoixante couldees de haut, qui ſont quatre-vingt dix pieds de Roy : ouurage de neuf vingt mil eſcus de couſt, & faict en douze ans de la vente de l’attirail & l’equippage de Demetrius, aprés qu’il eut leué le ſiege, & par ſa tres-grande excellence merita d’eſtre nombré entre les ſept merueilles du monde, & tenir le troiſieſme rang.

Chion fit deux belles pieces à Delphes, Minerue & Diane de marbre.

Chiriſophe Candiot fit aux Tegeates vne image d’Apollon de marbre blanc doré.

Chryſippe d’Heliopolis en Cilice, & Zenon fils de Mnaſeas, furent les plus habiles peintres de leur temps pour peindre toutes ſortes d’animaux : l’vn deſquels fit vn Hercule eſtranglant le Lion de Nemee  ; l’autre peignit au pinceau le Sanglier de Calydon ; & la pauure Heſione expoſee à la mercy d’vne Balæne, bien deſolee, & les oyſeaux Stymphalides.

Cimon de Cleone, qui auoit accouſtumé de peindre ſur de l’eſcorce fut le premier qui diſtribua fort bien les membres, & qui exprima les veines du corps, & les replis és habillemens, & les rides.

Cleon Sicyonien fit la ſtatuë d’vn ieune garçon nommé Dinoloche, qui auoit vaincu tous les ieunes gens és iouſtes & tournois Olympiaques, piece qui fut trouuee tres-excellente.

Critias fit vn Epicharme de bronze, s’exerçant à la courſe en armes ; œuure tres-belle.

Cteſicles fit auſſi vne ſtatuë de marbre blanc d’vne femme, ſi parfaittement belle & ſi bien elabource à Samos, que Cliſophe de Selymbre, ville de la Propontide, qu’on appelle auiourd’huy Canal de Conſtantinople, fut deſeſperément eſpris de l’amour d’icelle ; ſi bien que ne pouuant pour ſa froidure & dureté habiter auec elle, en veint iuſques à telle conuoitiſe que de luy mettre au deuant vne piece de chair, & luy deſcharger ſa luxure, ſuiuant ce qu’en eſcrit Adæe de Mitylene au liure des ſtatuaires.

Il y a eu auſſi des Cyclopes qui n’ont pas eſté mauuais ſtatuaires, attendu qu’on a veu de leurs ouurages ; à ſçauoir, des Lions de marbre aſſis au deſſus de la porte de Mycene, & la teſte de Meduſe de marbre aupres de la riuiere de Cephiſe.

Dædale pareillement a laiſſé beaucoup de belles œuures, entre autres la chaire dont nous auons parlé cy-deſſus : & vn Hercule aux Thebains en Bœoce : à ceux de Lebade vn Iupiter Trophonien (ainſi dit à cauſe de la grotte de Trophon, où il rendoit les Oracles en Bœoce) & vn autre en Candie : vne Minerue de bois aux Gnoſiens : Britomartys, tres-belle Nymphe de Candie, à ceux d’Olux en ladite iſle : vne Venus de bois aux Deliens : vne image d’Hercule tout-nud aux Corinthiens, aſſez groſſiere, mais ſentant toutefois (comme on dit) ie ne ſcay quoy de diuin : vne Iunon de bois aux Samiens : or le bois dont l’on faiſoit anciennement les images des Dieux, n’eſtoit preſque que bois de Cedre, aliſier, cheſne, cyprez, hebene.

Dædale Sicyonien, de qui fut fils & diſciple Patrocles, œuura vn trophee aux Eleens dreſſé en la ville d’Alte en la Moree, qu’ils auoient gagné par la deffaite des Lacedemoniens en bataille.

Dameas de Trœzene fit vne Diane, vn Neptun & vn Lyſander à Delphes.

Damophon Meſſenien fit d’excellens ouurages de marbre Pentelique, comme vne Lucine portant vn flambeau, & l’image d’Æſculape & d’Hygie aux Acheens : vn Mercure & vne Venus de bois aux Arcadiens : mais les pieds de Venus, & la bouche, & les mains eſtoient de pierre : vne Cerés portant en la main droite vne torche allumee, & de la gauche tendoit vn petit coffret à Hera (ou Iunon) Hera ſouſtenoit ce coffret & vn ſceptre ſur ſes genoux : toutes leſquelles choſes eſtoient faites d’vne pierre en Arcaceſe, ville d’Arcadie. Il fit auſſi la mere des Dieux, de marbre blanc, & vn Iupiter Olympien d’yuoire : vne Diane Laphrie aux Meſſeniens, auec vne Fortune de marbre.

Demetrius fit vne Minerue de bronze, au bouclier de laquelle y auoit des ſerpens formez de telle façon, que quand on venoit à les heurter, ils rendoient vn ſon ſemblable à vne viole.

Dinomenes fit vne Io, & vne Caliſte, fille de Lycaon Roy d’Arcadie, de bronze en la citadelle d’Athenes.

Denys d’Argos excellent Statuaire en l’Elide fit vn Orphee, & le pere Liber, & pluſieurs des labeurs d’Hercule, & vn braue cheual auec ſon eſcuye

Dipœne & Scyllis Candiots diſciples de Dædale, firent en bois vne effigie de Minerue en la ville de Cleone, & Caſtor & Pollux en Argos auec leurs cheuaux, le tout d’ebene. Ils ont eſté les premiers qui entre les Sicyoniens ont taillé en marbre : & comme ils eurent vne fois commencé à cizeler certaines pierres de marbre en figures de Dieux, ſans les paracheuer, la cherté & famine ſaiſit la prouince de Sicyone ; lors ils furent rappellez par l’aduis de l’Oracle, & acheuerent les images d’Apollon, de Diane, d’Hercule, de Minerue, & de Ianus. Auparauant eux perſonne n’auoit encore acquis beaucoup de reputation à tailler eu marbre.

Dylle & Amyclee firent auſſi d’vn commun ouurage les images de Iupiter & d’Ægine de bronze à Delphes.

Echion ce braue peintre, qui fleuriſſoit en la 107. Olympiade, fit d’vn merueilleux artifice vn tres-riche tableau du pere Liber, & de la Tragœdie & comœdie, & d’vne vieille qui marchoit deuant Semiramis, de chambriere deuenuë Royne, colorant le viſage de cette nouuelle eſpouſee d’vne honneſte vergongne.

Eleuthere fit à Athenes vne effigie de Bacchus, d’or & d’yuoire

Æmile d’Ægine tailla les Heures aux Eleens, aſſiſes en ſieges, aux pieds deſquelles giſoient des panniers pleins de toutes ſortes de fleurs & de fruicts.

Endæe diſciple de Dædale fit vne Minerue en ſon ſeant, de marbre blanc.

Endie fit aux Arcadiens vne Minerue d’yuoire, ſurnommee Alee, tres-belle piece.

Eubulide moula à Athenes en la place aux potiers vn Apollon de terre.

Eumain natif d’Athenes fut le premier de tous ſes deuanciers, qui s’efforça d’exprimer les figures par couleurs. Mais comme toutes inuentions ſur leurs premiers commencemens ſont touſiours groſſieres & mal polies, il fut fort aiſé à ſes ſucceſſeurs de le ſurpaſſer. Il fit vn tableau de Diane nouuellement nee, ſeruant de ſage-femme à ſa mere pour enfanter Apollon, & icelle ſacmentant auec Apollon à coups de fleches ce vilain ſerpent de Python.

Euclide de meſme pays fit vne Cerés, vne Venus, vn Bacchus, & vne Lucine de pierre Pentelique aux Achæens ; & vn Iupiter aſſis, aux Æginetes.

Euphranor peintre d’Iſthmos naſquit alors que la peinture auoit deſia acquis beaucoup de perfection voire eſtoit montee au plus haut degré. Ce qu’on trouue de luy de ſingulier, c’eſt qu’il ſit les douze grands Dieux, & Theſee qui paroiſſoit auoir concedé au Atheniens là preſens autant de puiſſance en l’adminiſtration de l’Eſtat comme il en auoit. Ce tableau repreſentoit auſſi le ſecours que les Atheniens auoient donné aux Lacedemoniens à Mantinee viue d’Arcadie, où Grylle Capitaine Athenien fils de Xenophon fit merueilles d’ames en vne bataille à cheual : & du coſté des Thebains ſe montroit ce tant valeureux & braue Epaminondas (à la vie & mort duquel naſquit & mourut tout l’heur de Thebes ſa patrie) faiſant tout ce que peut faire vn genereux & ſage chef d’armee. Car on y voyoit & hommes & cheuaux ſe meſler l’vn parmy l’autre. Il fit auſſi vn autre tableau à Epheſe, où l’on voyoit Vlyſſe contrefaire l’inſenſé pour s’exempter du voyage de Troye (comme nous dirons en ſon lieu) accouplant vn bœuf & vn cheual enſemble ; & ſemant du ſel. Il fit en outre vn Pâris, que l’on voyoit en la meſme piece, donner iugement entre les Deeſſes, amoureux d’Helene, & qui auoit mis à mort Achille. Il peignit dauantage la bonne Fortune, tenant d’vne main vn vaiſſeau à boire, & de l’autre des pauots & des eſpics : vne Latone n’agueres nee : & vne autre qui portoit Apollon & Diane aſſis ſur l’vn de ſes bras. Il fit auſſi vne image de Vertu, & vne forme de Coloſſe, & vne certaine femme officiant à ſon ſacrifice.

Euthycrate fils de Lyſippe fit à Delphes vn Hercule, & vn Alexandre de Macedoine chaſſant, de bronze.

Gitiade de Lacedæmone fit certains trepieds à Diane, & vne Minerue à ſes citadins, en bronze, & pluſieurs des labeurs d’Hercule, enſemble Caſtor & Pollux ; & Vulcan deſliant les liens de fa mere Iunon enchaiſnee par Iupiter : & vne Amphitrite auec Neptun, la plus belle piece de toutes celles qu’il ait faites.

Hermon tailla en bois aux Trœzeniens les effigies de Caſtor & de Pollux, auec les membres elegamment bien tirez.

Hermogene Cytherien fit vn Apollon Clarien de bronze, & vne Venus à Corinthe : item vn Neptun de Bronze auec vn Dauphin, verſant de l’eau par deſſous les pieds.

Hygion Athenien, ou de Crotone ſelon Adæe au liure des Statuaires, fut le premier qui en peignant diſtingua le maſle d’auec la femelle au lieu qu’auparauant luy on faiſoit des pourtraits de ſi mauuaiſe grace qu’on ne pouuoit diſcerner l’homme d’auec la femme, & n’auoient aucune elegance, ny de bouche, ny de membres.

Hypatodore fit aux Arcadiens vne Minerue de marbre, digne d’eſtre veuë, tant pour ſa grandeur que pour l’excellence de ſon ouurage.

Irene femme, fille du peintre Cratin, fit vn riche tableau d’vne ieune fille à Eleuſis, & la belle Calypſo, ja tirant ſur l’aage, & Theodore, grand ioüeur de paſſe-paſſe en ſon temps.

Lapharis natif de Phlius fit vn Hercule aux Sicyoniens, vn Apollon aux Achæens, vn Hercule de bois aux Corinthiens au Temple dudit Hercule.

Learche de Rhege, diſciple de Dipœne & Scillis, ou (ſelon d’autres) de Dædale, fit vne image de bois de Iupiter à Lacedæmone, fort artiſtement elabouree.

Leocharés fit vne Euridice & vne Olympias d’or & d’yuoire, & vn Apollon ſurnommé du pays.

Leocharis, peintre non meſpriſable, peignit vn beau Iupiter poſé ſous la derniere galerie de Piræe, port d’Athenes, auiourd’huy nommé Portolione.

Locre de Paros moula vne tres-excellente Minerue à Athenes, & Demoſthene banny pour la deuxieſme fois en la Calabre, & mourant d’vn bruuage empoiſonné : Pindare auſſi pour auoir en ſes vers loüé les Atheniens.

Lycie fils de Myron, peignit en la ville d’Alte en Elide, les Troyens preſts à ſe battre auec les Grecs, Agamemnon auec Pâris, Ænee auec Diomede, Deiphobe auec Ajax fils de Telamon.

Lyſon peignit en ladite ville vne multitude de peuple en tourbes dans vn tableau ; œuure eſtimee par maniere de dire, diuine.

Lyſippe Eleen fit vn Cupidon de fonte aux Theſpiens, & l’effigie de Pyrrhe.

Lyſippe Sicyonien fit pluſieurs pieces fort exquiſes, iuſques au nombre de ſoixante & dix ; mais entre autres les Muſes aux Athe- niens : vn Iupiter de bronze au Temple de Venus ; vn Hercule aux Corinthiens, & vn Iupiter à ceux d’Argos ; ouurages dignes de grande loüange, & vne ſtatuë de bronze de Socrate à Athenes, qui par arreſt du conſeil fut poſee en la plus celebre place de la ville, aprés que les Atheniens ſe repentans de l’inique ſentence donnee contre luy, eurent faict mourir ſes parties aduerſes. Alexandre le Grand luy fit cet honneur de ne vouloir eſtre ietté en fonte par autre que par luy.

Lyſiſtrate auſſi natif de Sicyone frere de Lyſippe ſuſdit ne doit eſtre mis en oubly : pource qu’il fut le premier de tout le monde qui contrefit de plaſtre les figures des hommes : inuention qui a ſeruy pour toutes ſortes de fontes, & a rendu l’art des fondeurs beaucoup plus aiſé.

Medon Lacedæmonien fit vne Minerue de marbre, armee de ſa rondache, jaueline, & habillement de teſte.

Menocharés diſciple de Pauſias peignit Æſculape, & ſa fille Hygie : & la belle Nymphe Æglé, Pan, & cet Ocne qu’on dit eſtre aux Enfers touſiours filant vne chorde qu’vn aſne luy ronge ſans ceſſe au prix qu’il file.

Menodore ſtatuaire fit vn beau Cupidon aux Theſpiens, & la belle Caliſto poſee au chaſteau d’Athenes.

Micon peintre Athenien fit vn magnifique tableau de la bataille des Lapithes & des Centaures poſé dans le Temple de Theſee à Athenes, & de ceux qui firent le voyage de la Colchyde, dedié au temple de Caſtor. Il en fit vn autre excellent de l’armee Athenienne ſous la conduite de Theſee combatant les Amazones, & des Grecs raſans la ville de Troye, & des Roys aſſemblez à cauſe du meſchant acte qu’Ajax fit à Caſſandre fille de Priam, la violant au Temple de Minerue, & de la troupe des Dames priſonnieres, & de Caſſandre, & de ceux qui combattirent les Perſes à Marathon. On remarquoit à l’air des deux armees vne pareille allegreſſe à ſe batre : puis on voyoit les Perſes eſpeurez fuir & ſe fourrer temerairement dans vn marais. On y voyoit encore la flote de Phœnice, & la defaite des barbares par les Grecs, & Theſee deſmarant, & Minerue & Hercule.

Myron d’Athenes fit en la citadelle vn petit enfant de bronze, & l’exploict de Perſee à l’entree de Meduſe, & vne tres-artiſte effigie du pere Liber en Helicon, tout de ſon long, & vn Erechthee à Athenes. Il fit auſſi vn Orphee de bois à Ægine, & vn Cupidon de marbre, qui d’vn coſté ſembloit eſtre vn Hercule de bronze, faict d’vn très-ingenieux artifice. Dauantage vn braue ietteur de pierres pour s’exercer, auſſi de bronze. Et ne faut trouuer eſtrange qu’vn meſme artiſan ait exercé les graces de ſon eſprit en diuerſes matieres. Car il y a eu pluſieurs anciens tres-habiles, tant en peinture qu’en la ſculpture, fonte & taille : joint que ces arts decoulent d’vne meſme ſource, & ne tendent qu’à vn meſme but. Il fit aux Æginetes vne vache de fonte, qui fut trouuee excellente ſur toutes autres pieces de ſon ouurage, & les ſtatuës d’Arceſilaüs & de Lychas : & d’Ariſtæe, fils du pere Liber, & vn Iupiter Empereur, œuure tres-exquiſe, & vn tres-bel Apollon de bronze.

Muſe fit aux Eleens vn Iupiter de bronze, dedié & donné au Temple de Iupiter Populaire, par les Corinthiens.

Mys excellent graueur, & tres-habile tailleur en bois, graua ſur le bouclier de Minerue la bataille des Lapithes & des Centaures : Phidias auoit fait cette Minerue de bronze.

Naucy de natif d’Argos fit le ſimulacre d’Hebé au Temple de Iunon, en la prouince de Mycene, & vne Hecate de bronze à ſes citadins.

Nicagore natifue de Sicyone, bonne graueuſe, fit aux Corinthiens vn Hercule transformé en ſerpent, qui d’Epidaure fut charroyé à Corinthe auec vn grand attelage de harnois & de cheuaux à cauſe de ſa groſſe peſanteur.

Nicerat fondit vn Æſculape auec ſa fille Mygie.

Nicearche, peintre notable fit pluſieurs excellentes pieces, entre leſquelles la principale fut Pan luttant auec Cupidon, qui ſembloient eſtre eſgaux en forces ; & vn Cupidon auec Venus entre les Grâces : Item vn Hercule ſi peſneux qu’il montroit vn air ayant honte de ſon infamie.

Nicias Athenien fils de Nicomedés, viuant, en la 112. Olympiade, trouua moyen de ſi bien contrefaire en couleurs, le clair, l’obſcur & luiſant, que ſes pourtraits ne ſembloient pas eſtre peints ; mais conſiſter d’eux-meſmes, tant il les repreſentoit au vif. On faict mention d’vn Bacchus qu’il fit auec vn admirable artifice : & d’vne Io, d’vne Andromede & d’vne Calypſo ; pieces dignes d’eſtre veues. Il peignit à Athenes les Enfers ſelon la deſcription d’Homere : tableau que tous ſpectateurs admiroient : puis il exprima au pinceau la beauté d’Hiacynthe, & la ferocité du taureau de Marathon. Au reſte iamais ne ſe trouua peintre plus habile à pourtraire les animaux, principalement les chiens.

Nicodeme fit aux Eleens vn Hercule en aage d’vn ieune garçon : ouurage excellemment beau.

Nicomache fils d’Ariſtodeme fit auſſi de tres-belles beſongnes, entre leſquelles on loüe fort celles-cy, la Mere des Dieux ſeant en vn throne auec vne venerable majeſté, autour de laquelle on voyoit germer & fleurir vne merueille de fleurs & de fruicts. Pluſieurs d’entre les Dieux ſe tenoient prés d’elle pour receuoir & executer ſes commandemens. Plus vne Proſerpine rauie par Pluton, qui paroiſſoit entrer ſous terre : Scylle monſtre marin : Apollon & Diane, & Rhoe ſiſe ſur le dos d’vn Lion.

Olympioſthene tailla trois Muſes en Helicon ainſi que Cephiſodote.

Omphalion peintre, diſciple, de Nicias fils de Nicomedés, fit vn braue Æſculape aux Meſſeniens, & vn Triton voguant emmy la mer ſur le dos d’vn Daulphin : Podalire, & Machaon medecins, & Hygie fille d’Æſculape tres-belle, œuure incomparable, montrant vn air de viſage riant & gaillard.

Onaras d’Ægine fils de Micon tailla vne image de Iupiter en Elide, & vn Hercule, que les Thaſiens dedierent. Il n’a cedé a aucuns de tous ceux qui ſont ſortis de l’apprentiſſage de Dædale. Il fit auſſi vn Mercure portant vn mouton ſous ſes aiſſes, ayant la teſte couuerte d’vne ſalade, & le corps d’vne cappe. Cettuy-cy ayant faict aux Phigaliens vne Cerés, en eut ce qu’il demanda, c’eſt à ſçauoir dix grands talens, valans ſix cens eſcus piece, qui reuiennent à ſix mille. Il a veſcu en meſme temps que Aegias & Ageladés excellens Statuaires.

Pamphile Macedonien, maiſtre d’Apellés & de Melanthe, grand Arithmeticien & Geometrien, qui nioit qu’on peuſt artiſtement manier l’art de peinture & de Sculpture, ou autres ſemblables ſans les Mathematiques, fit la victoire des Atheniens à Phlius, & tira merueilleuſement bien au pinceau Vlyſſe.

Panæne frere de Phidias peignit fort naifuement la bataille des Atheniens donnee à Marathon contre les Perſes, ouurage ſuffiſant pour l’annoblir quand bien il n’en euſt iamais faict d’autre. Cette peinture auoit tant de grace & de perfection, qu’on euſt dict que ce n’eſtoient pas figures peintes, mais bien des hommes en vie qui combattoient, ioint qu’on y pouuoit diſcerner les combats de part & d’autre. Il peignit auſſi le Temple d’Apollon à Delphes ſans en rien prendre : & pour cette cauſe les Amphictyons luy firent beaucoup d’honneur & de prerogatiues : ordonnans par arreſt qu’en quelque part qu’il ſe tournaſt és terres de leur reſſort, il fut nourry & defrayé aux deſpens du public. Il fut le premier qui fit ouurir la bouche & montrer les dents aux pourtraits, & donna à ceux qu’il tiroit vn air de viſage gracieux & amiable, au lieu que ceux qui l’auoient deuancé faiſoient des viſages à gros traits & mal-plaiſans à voir.

Parrhaſe fils d’Euenor, natif d’Epheſe, fut le premier qui obſerua les proportions és figures, donna graces aux cheueux, & embellit le viſage de traits deſliez & plus elegans qu’on n’en auoit encore veus : Car le principal poinct de la peinture, & ſculpture, & autres arts ſemblables, c’eſt d’obſeruer les meſures & les proportions, non pas ſeulement pour les rendre de meilleure grace & d’vn air de viſage gracieux & plaiſant à voir : mais auſſi d’autant qu’il eſt requis d’imiter la nature ſi exactement que rien ne manque, ſi faire ſe peut, laquelle a de couſtume de garder vne certaine meſure & analogie de membres en tous animaux bien compoſez. A bons tiltres doncques Pamphile diſoit la Geometrie & l’Arithmetique eſtre ſciences neceſſaires aux peintres & ſculpteurs, & tels autres artiſans ; d’autant que toute proportion ſe conſidere premierement és nombres, puis aprés és autres quantitez. Ce qui ſe prouue, parce que ſi quelqu’vn meſure la teſte depuis les cheueux iuſques au menton, ou bien vn doigt ou vne main, ou vn pied ; il pourra trouuer aiſément la grandeur & quantité de tout le corps, & de chaſque membre. Entre autres belles œuures qu’il fit on loüe fort ſon Meleager, & ſon Hercule, & Perſee equippé de la ſalade de Pluton, & des talonnieres de Mercure : plus deux pourtraits de gens-darmes auec leurs harnois ; dont l’vn courãt à la guerre ſembloit ſuër ; l’autre deſia las, les armes miſes bas, eſtoit à la groſſe haleine. Il fit deux autres excellens tableaux : l’vn deſquels contenoit Achille, Agamemnon & Vlyſſe, merueilleuſement bien peints ; l’autre Caſtor & Pollux & Ænee. Il peignit auſſi au Temple de Minerue dans la fortereſſe d’Athenes, la bataille des Centaures, qu’il faiſoit merueilleuſement beau voir : puis il contendit auec Zeuxis à qui emporteroit l’honneur des deux en leur art. Zeuxis apporta vn tableau de raiſins ſi naïfuement contrefaits, que les oyſeaux en furent trompez deſcendans pour les becqueter : & Parrhaſe en preſenta vn autre auquel y auoit vn rideau peint de tel artifice que Zeuxis tout glorieux d’auoir trompé les oyſeaux, aprés auoir long temps contemplé cette peinture, ſe tournant vers Parrhaſe luy dit qu’il tiraſt ce rideau s’il vouloit qu’on viſt ſa beſongne, ſi luy quitta Zeuxis la victoire, confeſſant qu’il auoit bien deceu les oyſeaux ; mais que luy-meſme auoit eſté ſurpris par Parrhaſe. Item il peignit vne nourrice de Candie auec vn petit enfant entre ſes mains ; & le pere Liber aſſiſté de la Vertu, ſe tenant debout deuant luy : & vn Preſtre auec vn ieune garçon tenant vn encenſoir & vne couronne.

Paſitelés, potier de terre, combien qu’il fuſt bon maiſtre en la peinture, ſeulpture & graueure, appelloit neantmois l’art de poterie de terre, leur mère.

Pauſias, excellent peintre, natif de Sicyone, entre autres belles pieces fit vn Cupidon parfaitement beau, qui quittant ſon arc & ſes fleches tenoit vn luth à Argos, & Glycere, tres-belle fille, treſſant des chapeaux de fleurs : & l’Yureſſe buuant en vne phiole de verre.

Phidias, braue Statuaire, n’a pas eſté moins habile à fondre qu’à tailler & grauer, combien qu’il ait eſté premierement peintre. On faict mention de pluſieurs ouurages qu’il a richement eſtoffez : & entre-autres la Grand’-mere des Dieux à Athenes, & vne Venus de marbre blanc. Dauantage vn Apollon de bronze en la citadelle auec vne Minerue auſſi de bronze. Il en fit vne autre d’yuoire à Athenes, ayant 26. coudees de haut, au bouclier de laquelle il graua la bataille des Amazones, & celles des Geans, & deſſous ſes patins, le combat des Lapithes & des Centaures. Item vn autre Minerue ſurnommee de Lemnos, excellemment belle, & vne Nemeſis de dix coudees de haut en la ville de Rhanne en Attique, tenant en main vne branche de pommier qui ſe replioit en bien peu, où il eſcriuit, Agoracrite de Paros l’a faite. Car Phidias ayma tant ce ſien diſciple que de luy faire porter le nom d’vne ſi belle œuure. Plus vn ſigne de Victoire, tenant de la main gauche vn freſne, & de la droicte vne phiole, à laquelle piece il mit ſon nom, & fut poſee en la citadelle d’Athenes. Plus vne Leda de bronze, & vne autre Minerue de bois, dont le bout des mains & des pieds eſtoit de pierre de la carriere Pentelique à Platæe : & vne Venus d’or & d’yuoire, qui d’vn pied fouloit vne tortuë. Plus aux Eleens vne Minerue d’or & d’yuoire, ſur la ſalade de laquelle eſtoit aſſis vn coq : Item vne autre à ceux de Pallene. Plus vn Iupiter Olympien tout d’or & d’yuoire, tenant le quatrieſme rang entre les ſept merueilles du monde : deſcrit auec le ſuperbe Temple des Eleens, par Pauſanias és Eliaques. Item vne Amazone de bronze aux Epheſiens dediée à Diane, & deux Minerues. Plus vn Mercure de marbre à ceux de Platees. Phileſe Eretrien fit aux Eleens deux vaches de bronze excellemment elabourees.

Philoxene Eretrien peignit la bataille d’Alexandre auec Darius : & vne Laſciuie, auec laquelle trois Silenes faiſoient bonne chere & ſe gogayoient à plaiſir.

Piſias fit vn Apollon à Athenes, & vn Iupiter Conſeiller, poſé au Conſeil des cinq cens.

Polyclet ſtatuaire d’Argos exerça pareillement ſon eſprit en diuerſes matieres. Les principales pieces qu’il ait faites, ſont vn valeureux ieune homme maniant vne picque : des enfans ioüans aux dez : vne tres-belle Venus aux Lacedæmoniens : vne Iunon d’or & d’yuoire, ſeant en vn troſne auec vne couronne ſur ſa teſte, dediee au Temple d’icelle, au territoire de Mycene : à laquelle aſſiſtoient les Graces & les Heures. Elle tenoit d’vne main vne orange, & de l’autre vn Sceptre, ſur lequel eſtoit aſſis vn coucou. Plus il cizela vn Iupiter de marbre blanc à ceux d’Argos ; & vne ſtatuë de bronze de ſon frere, & l’autel d’Hecate. Si ne faut-il pas oublier à dire qu’on ne mouloit ny ne tailloit point en or ou argent ou yuoire ſinon les grands Dieux ; quant aux Plebeiens & communs qu’on appelle Dieux de la ſeconde Table, on les faiſoit de quelque matiere que ce fuſt. Les grands Dieux qu’ils appelloient anciennement, eſtoient ; Iupiter, Neptun, Mars, Mercure, Vulcan, Apollon, Iunon, Veſte, Cerés, Venus, Diane, Minerue. Les images des autres ſe faiſoient de bois ou de terre. Polyclet fit vn Apollon, vne Diane & vne Latone de marbre blanc ſur la cime de la mõtagne d’Orthies ; vne image du pere Liber chauſſé de brodequins, tenant de la main gauche vn thyrſe, & de la droite vne taſſe ; & ſur ſon thyrſe eſtoit aſſiſe vne Aigle. Mais la plus riche piece qu’il ait faicte, c’eſt celle qu’on appelloit le petit Roy de l’art, qui eſtoit comme la loy & l’ordonnance que les autres artiſans doiuent obſeruer en toutes ſortes de pourtraits & de figures. Il fit auſſi deux autres images de bronze en petit volume, mais excellemment belles, ayans l’habit & façon de filles, qui portoient ſur leurs teſtes des paniers pleins de fleurs, ſanctifiees à la façon des filles d’Athenes ; on les appelloit Porte-paniers.

Polygnot Thaſien, fils de de Mycon, peignit à Delphes vn Neſtor fublé d’vn bonnet & tenant vne jaueline. Il peignit auſſi merueilleuſement bien la guerre de Troye, & Charon chargé d’aage, & ceux qu’il trauerſoit les eaux infernales en ſa barque enfumee : Epee abatant à fleur de terre vn pan de la muraille de Troye pour paſſer le grãd cheual de bois ; & Neoptoleme eſgorgeant quelque nombre de citadins de Troye, pour ſatisfaction de la mort de ſon pere Achille. Plus vn Cerbere, œuure horrible à voir : & Ocne auec ſon aſne luy rongeant ſa chorde. Cet Ocne fut vn homme de neant, empeſtré d’vne femme prodigue, qui luy gourmandoit tout ce qu’il pouuoit auec beaucoup de peine & de ſueur acquerir. Plus les proüeſſes de Caſtor & de Pollux : en leur Temple d’Athenes : Diomede portant les fleſches de Philoctete ; Vlyſſe enleuant le Paladium ; Oreſte ſacmentant les ſatellites d’Ægyſthe, en la citadelle d’Athenes : Alcibiade auec ſes enſeignes & monumens de ſa victoire à cheual prés de Nemee : Vlyſſe ayant occis ces mignons qui faiſoient l’amour à ſa femme. Quelquesvns diſent que cettuy-cy, non Panæne, fut le premier qui apprit aux images & pourtraits d’ouurir la bouche & montrer les dents, & qui diuerſifia les changemens du viſage : par laquelle inuention l’art de peinture fut beaucoup enrichie. Cependant quelques autres ſouſtiennent que iuſqu’au temps de Polygnot, Zeuxis & Timas, on n’auoit encore trouué que quatre couleurs.

Praxias Athenien, diſciple de Calamis Agrigentin, fit à Delphes les teſtes & les viſages de Diane, de Latone, d’Apollon, des Muſes, du pere Liber, des Thyades, du Soleil couchant : aprés la mort duquel Androſthene Athenien, diſciple d’Eucame, acheua le reſte ; & Phryne, belle courtiſane, que Praxiteles ayma tant, ayant le choix de prendre ou cette ſtatuë, ou celle du Satyre en la ruë des Trepieds, prit cette-là, & la donna à ceux de Theſpe en Bœoce. Et combien que pluſieurs artiſans ſe ſoient exercez à peindre, fondre, & tailler ; tant y a, que tous n’ont pas excellé en tous leſdits arts, mais en quelqu’vn ſeulement. Car Phidias fut plus expert à fondre & tailler les Images des Dieux que celles des hommes ; Nicias à exprimer les chiens, Praxiteles les cheuaux.

Praxiteles connu de tous les braues artiſans de ſon temps, & par ſes œuures à ceux qui l’ont ſurueſcu, fit le rauiſſement de Proſerpine, & vne Yureſſe de fonte, vne Cerés & Proſerpine faiſans leur entree en la ville d’Athenes : D’auantage vn Satyre duquel il ſe vantoit fort en la ruë qu’on appelloit des Trepieds, au Temple du pere Liber, de marbre blanc ; auec vn Cupidon audit lieu, non moins admirable. Plus Harmodie & Ariſtogiton tuans le tyran Piſiſtrat : plus les douze Dieux : plus Suadele & Latone auec ſes enfans, à la porte qu’on appelloit des Nymphes : vne Diane, vn Apollon & vn Neptun : plus vne autre Latone à Argos : vn ieune homme bandant ſon arc contre vne lezarde à Athènes : Cerés & ſa fille, & Iacche marchant deuant auec vn flambeau : vne Venus de marbre blanc, auec vn air de viſage riant, comme dit Lucian és Amours, qu’vn nommé Macar de la ville de Perinthe (iadis capitale ville de Thrace, auiourd’huy Heraclia) trouua ſi parfaittement belle, que le vilain s’abandonna tant que d’exercer auec elle vn acte desbordément laſcif : ce qu’on dit auoit eſté faict en la ville de Samos : où Adæe Mytilenæen au liure des Statuaires en eſcrit autant de Clyſophe de Selymbre. Cette Venus fut dediee à Cnide en Carie, qu’aucuns appellent auiourd’huy Calo Crio, autres Chio. Plus il fit aux manans de l’iſle d’Anticyre vne Diane tenãt en main vn flambeau auec vne trouſſe qui luy pendoit des eſpaules, & vn chien auſſi de fonte à ſon coſté gauche. Il fit encore la ſtatuë de Phryne d’or ſur vne colõne de pierre Pentelique : plus aux Eleens vn Mercure portant Bacchus petit enfant : auſquels il fondit auec Cleon Sicyonien vne Venus de bronze, œuure belle en toute perfection. Ce Cleon auoit eſté diſciple d’Antiphone apprentif de Periclet, & Periclet apprentif de Polyclet d’Argos. Plus il fit à Athenes l’effigie de Diane ſurnommee de Brauron, & celle de la Deeſſe Cõſeillere ; & Iunon de Mantinee ſeant en vn throſne, aſſiſtee de Hebé & de Minerue. Plus à Platæe vne Iunon tirant ſur l’aage ; & Rhee preſentant à Saturne vn caillou enueloppé de bãdelettes au lieu de ſon enfant : & là meſme vne Iunon de pierre Pentelique. Plus aux Theſpiens vne tres-belle Venus tiree au vif ſur la courtiſane Phryne, doree, & vne autre Phryne de marbre. Plus aux Atheniens vne Bellone, Triptoleme, & la bonne Fortune, & vn Cupidon de marbre tiré ſur Glycerium, autre tres-belle courtiſane, non moins que Phryne, Thaïs, Leontion, Hippé & autres de meſme eſtoffe. On dit que Praxiteles fit preſent de ce Cupidon à la ſuſdite Glycerium, & qu’elle le redonna aux Theſpiens.

Protogene Caunien tres-fameux peintre fit pluſieurs excellens tableaux : mais il ſouloit donner le premier rang à ce beau Ialyſe (que l’on dit auoir fondé vne ville de meſme nom en l’iſle de Rhodes) auquel il employa ſept ans à Rhodes ſans toutefois l’acheuer : en ſecond rang il mettoit ſon chien, auquel il trauailla long temps pour bien exprimer l’eſcume qui luy ſortoit de la bouche. Il peignit Marsyas vaincu, puis eſcorché par Apollon, & my-mort de regret : & Niobé regardant ſes enfans mourir ; au viſage de laquelle on iugeoit bien qu’elle eſtoit deuenuë comme ſtupide. On fit tant d’eſtime de Protogene, que Demetrius ayant beau moyen de prendre Rhodes du coſté qu’eſtoit ce Ialyſe, y mettant le feu : neantmoins il ayma mieux eſpargner cette ville là, que gaſter par feu vn ſi precieux tableau. Il peignit en outre vn beau Satyre s’appuyant contre vne colomne, auec vne caille aſſiſe ſur la colomne, qui ſembloit proprement eſtre en vie, plus Parale. Hemionis, Cydippe, Tlepoleme, Antigon la mere d’Ariſtote, & les Legiſlateurs d’Athenes. Il fit auſſi quelques ouurages de fonte.

Pythagore de Paros peignit les Graces auec des viſages mignonnement beaux, en la ville de Pergame ; piece tres-exquiſe.

Pythagoras de Rhege fut le premier qui exprima ſur les ouurages de fonte, les veines, les nerfs, cheueux & pluſieurs autres choſes ; & rendit la beſongne beaucoup plus artificielle qu’elle n’eſtoit auparauant. Il fit entre autres choſes pluſieurs effigies des vainqueurs és iouſtes & tournois generaux de Grece. Il auoit appris chez Clearche Rhegien, apprentif d’Eucher Corinthien, qui fut apprentif de Syadre & de Charte, Lacedæmoniens.

Pythodore Thebain fit vne Iunon de bronze à Coronne, ville de la Moree, portant d’vne main les Serenes.

Rhœque & Theodore Samiens furent les premiers inuenteurs de poterie de terre à Samos. Cettuy-là fit quelques images au Temple de la Diane d’Epheſe ; & vne femme fort brune, que les Epheſiens appelloient la Nuict.

Scopas de Paros fondit de bronze en Elide, vne Venus ſurnommee populaire, montee ſur vn bouc, & pluſieurs autres, pieces en diuers lieux ; mais ſur tout en Ionie & Carie.

Il fit à Athenes l’amour, Cupidon, l’Appetit. A Corinthe Hercule & Hecate, de marbre. Plus vne Venus de marbre, qui de nuict ſembloit rire pour le plaiſir qu’on prẽd és beſongnes de nuict & larcins nocturnes amoureux. Plus vn Phaëton, & Veſte aſſiſe auec deux filles de chambre : & Thetis auec Achille ſon fils, & les Nymphes montees ſur des Tritons, Dauphins & Phorque. Il fit à ceux de Cnide Bacchus & Minerue : aux Arcadiens Æſculape ſans barbe, & ſa fille Hygie de marbre Penthelique : & aux Platæens vne Minerue de marbre.

Simon, peintre d’Ægine fit aux Eleens vn cheual auec ſon picqueur, & les labeurs d’Hercule.

Socrate fils de Sophroniſque tailla en marbre au portail de la citadelle d’Athenes, les Graces & Mercure. Il peignit auſſi Hygie fille d’Æſculape, & Æglé, Panacee, Iaſon, & vn pareſſeux vilain tordant du geneſt qu’vn aſne luy rongeoit, eſtoient de ſa peinture.

Strongylion ne s’entendoit guere à tailler en pierre les corps humains : Mais des bœufs & cheuaux, il en eſtoit bon maiſtre. Il ne fit qu’vne Diane Sauuereſſe aux Atheniens, qui eſtoit paſſablement belle.

Tauriſque peintre non ignorant, outre pluſieurs autres braues tableaux peignit vn bon ietteur de pierre, repreſentant auec toute perfection les muſcles du dos, & la force de ſon bras, & ſes nerfs, & en vn mot vne contenance d’homme bandé de tout ſon corps pour ietter ſa pierre bien haut & loing : Voyez liure 9. chap. 18.Plus Paniſque, Clytemneſtre & Polynice fils d’Oedipe, Roy de Thebes, redemandant ſon Royaume : & Capanee, gentil-homme d’Argos, tué d’vn ject de pierre, comme il poſoit l’eſchelle pour eſcheller la ville de Thebes.

Tectæe & Angelion maiſtres de Callon, & diſciples de Scillis & de Dipœne, firent vne excellente effigie de marbre au temple d’Apollon à Delos.

Teletas & Ariſton firent enſemble en Elide vn coloſſe de Iupiter de bronze de dix-huict pieds de long : piece eſtimee tres-exquiſe.

Theoſcome, citadin d’Athenes, fit à l’aide de Phidias vn Iupiter, ſur la teſte duquel les Heures & les Parques ſe ſeyoient : la bouche d’iceluy eſtoit d’or & d’yuoire : le reſte, de plaſtre & de terre.

Theodore Samien fut excellent maiſtre en ſon art. Il trouua le premier, moyen de fondre le fer, & d’en faire des images ; toutefois il n’eut gueres d’enuieux, à cauſe de la difficulté qu’on trouuoit en la fonte de ce metail, que ſes ſuruiuans ne purent commodément ietter en fonte de ſtatuës ; partant il faut bien dire qu’il auoit quelque ſecret pour purifier le fer.

Theopompe d’Ægine fit à ceux de Corfou vn excellent Taureau de bronze.

Theocoſme fit au Temple du parc de Iupiter Olympien à Megare, vne ſtatuë de Iupiter d’or & d’yuoire, ayant ſur ſa teſte les effigies des Parques & des Heures ; ſignifiant, ſelon l’expoſition d’Æſchile, que Iupiter meſme eſt ſubiect à la neceſſité & aux deſtinees, qui ſont pour cette cauſe au deſſus de luy, comme pour luy commander.

Thraſymede de Paros, fils d’Arignot, fit vn tres-riche Æſculape d’or & d’yuoire, ſeant & tenant vne baguette pour s’appuyer, en vne main, & de l’autre ſerroit la teſte d’vn ſerpent, auec vn chien couché à ſes pieds.

Thylaie & Orethe & leurs enfans firent aux Eleens cette ſtatuë de Iupiter, qui fut depuis tranſportee en Olympie.

Thymile fit à Athenes en la ruë des Trepieds, vn Dieu d’Amour, de marbre blanc, aſſiſtant au pere Liber, & vn ieune Satyre luy verſant à boire.

Timænete peignit en la citadelle d’Athenes, Muſæe, qui ſembloit voler par la grace & priuilege de la Biſe : & vn lutteur, & vn garçon portant des cruches à eau.

Timanthe peignit Iphigenie debout ſur l’autel, preſte à eſtre eſgorgee, & beaucoup de perſonnes bien dolentes autour d’elle : mais on voyoit ſon oncle Menelas plus affligé qu’aucun autre. Et comme ce braue ouurier vid que ſon pinceau ne pouuoit aſſez viuement exprimer le regret & deſplaiſir qu’en auoit ſon pere Agamemnon ; pource qu’il auoit deſia employé toute ſon induſtrie en l’oncle d’icelle, il bouſcha le viſage du pere auec vn pan de ſon manteau. Il peignit auſſi Polypheme auec des Satyres en vn petit tableau, & le iugement des armes d’Achille entre Vlyſſes & Ajax : en laquelle peinture il eut la reputation d’auoir vaineu Parrhaſe Samien. Plus le Cyclope dormant : & pour exprimer ſa grandeur demeſuree, les Satyres meſuroient la longueur de ſon poulce auec vne gaule.

Timoclés & Timarchidas Atheniens firent aux Eleates vn Æſculape de marbre, ſans barbe.

Timonache Byſantin, excellent peintre outre ſon Arion paſſant la mer ſur le dos d’vn Dauphin en ioüant de ſa viole, fit vn Ajax vne Medee, vne Oreſte & Iphigenie en la Tauride, qui ſe tenant debout preſte d’eſtre ſacrifiee ſur l’Autel, auec vn air de viſage dolent & vergongneux, accommodoit ſa robe autour d’elle pour choir honneſtement ſans rien deſcouurir. Il fit auſſi vne Gorgone, en laquelle il montra bien ce qu’il ſçauoit faire. Plus les Atheniens aſſis, & d’autres qui les haranguoient.

Tiſagoras compagnon de Theodore Samien, fit à Delphes vn Hercule de fonte, perçant l’Hydre à grands coups de fleches, & pluſieurs autres beſongnes de fer tres-loüables, combien que ce fuſt choſe bien mal-aiſee. Plus à Pergame vne hure de Sanglier, & vne de Lion, toutes deux de fonte.

Xenocrite & Eubie Thebains firent vn Hercule de pierre d’albaſtre, en Bœoce.

Xenophile fit vn Æſculape à Argos d’albaſtre, auquel Stratõ adiouſta la bonne Santé : plus vn Neptun à ceux d’Anticyre, en telle forme que tenant vne main ſur ſa cuiſſe, il montoit d’vn pied ſur vn Dauphin : de l’autre main il portoit le Trident.

Xenophon d’Athenes, fit l’image de la Fortune portant le Dieu Plute, laquelle piece laiſſant par ſa mort imparfaite, Calliomache citadin de Thebes, luy fit les mains & la bouche, & quelques autres parties.

Zeuxis d’Heraclee fort renommé peintre, deuint ſi riche par le moyen de ſon art, qu’il oſa bien allant aux ieux & tournois Olympiques porter vn manteau auec ſon nom en broderie d’or. L’vne des plus belles pieces qu’il ait faites, c’eſt le tableau de Penelope, pourtraicte ſi naïfuement, qu’outre ſon incomparable beauté, elle repreſentoit vn amour de continence & de chaſteté, auec toutes les façons & geſtes qu’on peut deſirer en vne tres-honneſte Dame. Il peignit auſſi Marſias lié à vn arbre. Plus vn tableau de raiſins auec vn garçon qui les portoit, ſi bien tirez que les oyſeaux deſcendoient pour les becqueter, ce qu’ayant apperceu, il ſe mit auec pareille naifueté en cholere contre ſon ouurage, diſant, I’ay mieux peint les raiſins que le garçon ; car ſi i’euſſe donné à cettuy-cy toutes ſes perfections, les oyſeaux en euſſent eu peur. Il fit aux Agrigentins vn Hercule eſtouffant à deux mains au berceau des ſerpens, en preſence d’Amphytrion & d’Alcmene : en laquelle peinture on voyoit ſes pere & mere eſtre aucunement eſtonnez. Plus vn Iupiter ſis en vn throſne auec vne venerable majeſté, en l’aſſiſtance des autres Dieux. Plus vne Helene qu’il tira ſur cinq des plus belles filles de Crotone, prenant de chacune ce qu’il trouuoit de ſingulier. Plus Atalante, & Pan, Dieu des paſtres, que depuis il donna à Archelaüs. Car aprés qu’il eut acquis beaucoup de biens, croyant qu’on ne pût payer ſa beſongne ce qu’elle valoit, il ayma mieux la donner. Il peignit à Athenes au Temple de Venus vn Cupidon, beau en toute perfection, auec vn chappeau de roſes ſur la teſte, & vn tres-beau Centaure. Il y a eu auſſi pluſieurs autres peintres & imagers, leſquels qui voudroit tous rechercher & leurs ouurages, en pourroit faire vn gros volume : mais il ſuffit d’auoir remarqué les plus nobles. Or pour reprendre noſtre Dædale, il eut vn fils nommé Iapyx, duquel l’Iapygie porta le nom, depuis dicte Crete, à preſent Candie. Vne ville de Lycie fut auſſi nommee Dædale, pource que Dædale y fut enſepuely. Mais c’eſt aſſez diſcouru de Dædale & de tels artiſans : eſpluchons les contes fabuleux qui ſont ſemez parmy les hiſtoriques.

Mythologie de Dædale hiſtorique.Que Dædale ait eſté tres-ingenieux artiſan ; qu’il ait faict mourir ſon nepueu Attale, ou Acale, ou Teles, ou Cale, inuenteur de la ſcie : que pour ce ſubiect il ſe ſoit mis en fuitte, & ſe ſoit retiré en Candie, où il s’accointa de Minos & de Paſiphaé ; tout cela peut eſtre veritable. Pareillement que Paſiphaé par l’aide de Dædale ait eu la compagnie du Capitaine Taure, cela tient de l’hiſtoire : & d’autant qu’il auoit eſté non ſeulement complice, mais auſſi coadiuteur de ce forfaict, il fut empriſonné auec ſon fils Icare : puis rompans les priſons, ils recouurerẽt de petits eſquifs, dans leſquels faiſans voile & voguans à toute puiſſance ils ſe ſauuerent auec quelques autres qui haïſſoient la domination de Minos. Dædale ſe ſauua en Sicile : mais Icare ayant vn mauuais pilote eſchoüa contre vn eſcueil, & perit par naufrage. Or l’on dit que Dædale fit des aiſles pour luy & pour ſon fils ; parce que ſe voyant pourſuiuy par la flotte de Minos, il inuenta le moyen de faire des voiles, & ayant vent en pouppe deuança ladite flote de Minos, qui n’alloit qu’à force de rames, comme eſcrit Pauſanias en l’hiſtoire de Bœoce. D’auantage quelques-vns diſent que Paſiphaé eut la reputatiõ de s’eſtre amourachee d’vn Taureau, pource qu’ayant ouy diſcourir à Dædale du Taureau placé entre les eſtoilles, & de toute la ſcience Aſtronomique, elle fut eſpriſe d’vne ſinguliere amour d’en auoir connoiſſance, comme dit Lucian au Dialogue de l’Aſtrologie. Voila quant à l’hiſtoire qui concerne le faict de Dedale. Conſiderons maintenant ce qui touche les mœurs, L’iniuſtice eſt le fondement de toute forte de maux. Car Dædale pour auoir par enuie ietté du haut d’vne maiſon, ou d’vne tour, comme diſent aucuns, ſon apprenty Cale (ou fils de ſa ſœur) ſe trouua puis aprés en extreme peine, eſprouuant en ſa perſonne, qu’il n’y a point d’aſſeurance pour les delinquans, meſme en l’amitié du Roy. Car qui eſt l’homme tant accomply en toutes graces & perfections d’eſprit, qu’il ne ſoit du tout miſerable s’il les conjoint auec meſchanceté & vilainie ? Ainſi donc Dædale conceuant de hauts deſſeins, & recherchant l’amitié & la faueur des grands, experimenta luy-meſme ce qu’il taſchoit de perſuader à ſon fils : à ſçauoir, qu’il vaut mieux ſe contenir en mediocrité ; comme ainſi ſoit, que plus grandes ſont les dignitez & les grades des perſonnes, ou les meſchancetez qu’ils commettent, plus grandes auſſi ſont les calamitez qui les acconſuiuent. Cela fut cauſe qu’accommodant les ailes aux flancs d’Icare pour voler iuſques en Sicile, il l’aduertit qu’il faloit touſiours ſuiure le chemin du milieu, & ne monter point trop haut, à cauſe de la trop grande ardeur du Soleil : ny n’approcher trop prés de la mer, de peur que ſes ailes ne s’appeſantiſſe trop à cauſe des vapeurs de l’eau, ou s’endurciſſent trop par le froid. Voicy donc l’aduertiſſement qu’on luy en donne chez Ouide au 2. liure de l’art d’aymer :

Ie marcheray deuant ; de me ſuiure mets peine : Tu ſeras en ſeurté m’ayant pour capitaine ; Car ſi nous emprenons voiſiner le Soleil, La cire ne pourra ſouffrir ſon front vermeil. Si nos flancs empennez d’vne route trop baſſe Viennent raſer à fleur de Neptun la ſurface ; Les vapeurs de la mer chargeront de moiteur Tes ailes ; ſuy moy donc vne moyenne hauteur. Pren garde aux vents außi, & où l’aure t’appelle, Dreſſe par là, mon fils, le chemin de ton aile.

Leſquels enſeignemens, ſi quelqu’vn les conſidere exactement, certes il trouuera qu’ils concernent fort peu la nauigation ; mais fort l’inſtitution de la vie humaine : d’autant que le malheur de ceux qui ſont fort à leur aiſe, & ont tout à ſouhait, eſt bien plus griefue que de ceux qui ont toute leur vie, ou pour le moins eſté long-temps malheureux en ce monde. Or les Poëtes n’ont pas allegué ces contes pour autre ſubiect ſinon pour montrer que nul ne trouue de certaine aſſeurance en l’excellence des richeſſes & commoditez de cette vie : & que c’eſt vne tres-bonne choſe que la mediocrité, laquelle n’eſt point enuiee de beaucoup de gens, & neantmoins ne tumbe point en tel meſpris que ceux qui ſont d’abiecte & vile condition. Au reſte Lucian en l’Aſtrologie ſouſtient que cecy taxe l’ardeur & l’ignorãce de la ieuneſſe, qui en tel aage ne recherche pas ce qui eſt propre & conuenable ; ains monte en eſprit iuſques aux cieux tout d’vne volee, ſe deſuoyant du droit chemin, à ſçauoir de l’art & iugement ; puis vient à choir tout à coup en la mer, c’eſt à dire, en vn abyſme de choſes illicites & meſſeantes. Mais il eſt temps de prendre Pelops.