Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - IX, 07 : De Latone Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

De Latone.

CHAPITRE VII.

LATONE fut fille de Cœe & de Phœbé, ſelon le teſmoignage d’Apollodore au premier liure, & d’Heſiode en la Theogonie, diſant :

Depuis Phœbé monta par amoureuſe flame Sur le lict de Cœus, & l’ardeur qui l’enflame, Aprés vn doux baiſer & deduit gracieux, Le faict deuenir pere à Latone aux doux yeux.

Ouide eſt de meſme auis au 6. des Metamorphoſes, introduiſant Niobé offenſee de voir Latone pluſtoſt adorce qu’elle :

Pourquoy ne ſuis-je pas außi bien encencee Sur vn Autel comme eſt cette fille de Cœe,

Toutefois Homere en l’hymne d’Apollon faict Latone fille de Saturne. Quelques-vns (entre autres Hecatæe & Diodore) eſcriuent que ſous le pole Artique il y a vne iſle dans la mer Oceane non moin- dre que la Sicile, de laquelle les habitans ſont appellez Hyperborees, pource qu’ils ſont ſcituez vers le Septentrion au delà de la Biſe qu’on appelle Boreas : ou bien (ſelon l’etymologie des autres) pource qu’ils viuent vn terme excedant celuy de la vie humaine, comme de faict on dict qu’ils viuent ordinairement iuſques à cent ans. Le pays eſt fertile & abondant en biens, fort temperé, ſous vn air doux & gracieux : euenté de vents ſalubres qui ne l’endomagent aucunement : la terre porte fruict deux fois l’an : les habitans ne ſçauent que c’eſt que de procés ny diſcorde ; ains ont tous vn vœu eſgal en innocence : & quand ils ſont ennuyez de viure, ils ſe font volontairement & auec beaucoup d’allegreſſe mourir. C’eſt là que Latone naſquit. On nous conte que Iupiter l’ayant trouuee belle tout ce qui ſe peut, coucha auec elle : Haine de Iunon contre Latone.& quand Iunon aperceut qu’elle eſtoit enceinte, elle la chaſſa du ciel, & fit commandement au ſerpent Python de la perſecuter : puis elle fit promettre par ſerment à la terre vniuerſelle de ne dõner aucun lieu à Latone quãd ſon terme d’accoucher ſeroit eſcheu, horſmis l’iſle de Delos, en l’Archipelago, laquelle pour lors eſtoit encores errante & enueloppee des ondes de la mer, mais pource qu’elle n’auoit voulu ſigner la ligue de Iunon contre Latone, Neptun luy commanda de s’affermir & prendre pied, afin que cette Deeſſe y peuſt faire ſes couches, teſmoin Lucian au dialogue d’Iris, & de Neptun ; & pourtant elle fut nommee Delos, c’eſt à dire, manifeſte & apparente. Toutefois les autres ayment mieux dire, que Latone preſte d’accoucher, tranſmuee en caille, s’enuola en ladite iſle, & ſous telle forme ne fut point deſcouuerte par Iunon ; & pour eterniſer la memoire du bien-faict receu par cette iſle, elle la nomma Ortygie, pource, qu’ortyx en Grec ſignifie vne caille. Neantmoins d’autres diſent que Latone auoit vne ſœur Aſterie, laquelle pourſuiuie par Iupin pour en faire à ſon plaiſir, fut transformee en caille, & qu’elle s’enuola en la mer : puis aprés Latone en fit vne iſle, comme eſcrit Calliſthenes en ſa nauigation. Il ne ſe faut donc pas eſbahir ſi Iupiter ayant engroſſi Latone, ſa ſœur luy fit place pour enfanter. Pauſanias és Attiques dit que Latone deuant qu’accoucher, eſtant parfaitement groſſe, poſa ſon demy-ceint en vn lieu de l’Attique dict Halymus prés de la mer, qui depuis pour tel ſujet fut nommee Zoſter : quelque temps aprés on baſtit vne ville en la plaine de l’iſle, & vn fort magnifique Temple d’Apollon & de Latone, auprés de la montagne de Cynthe, & de la riuiere d’Iompe, qui trauerſoit l’iſle, teſmoin Strabon au 10. liure. Livre 4, chap. 10.Elle enfanta à l’ombre d’vn palmier & d’vn oliuier ; combien que d’autres diſent que ce fuſſent deux fontaines ainſi nommees, comme nous l’auons expoſé en Apollon. Encore n’euſt elle ſceu poſer le fruict de ſon ventre, ſi les Curetes par le bruit & cliquetis de leurs armes n’euſſent eſtourdy Iunon, cependant que les tranchees de Latone la tenoient, comme ainſi fuſt qu’elle la guetaſt de toutes parts pour l’empeſcher de mettre ſes enfans en lumiere. Embraſſant donc le palmier pour ſe deliurer de ſes douleurs, elle enfanta ; ſelon que la couſtume des femmes au trauail d’enfant eſt d’empoigner à belles mains tout ce qu’elles rencontrent : ce qui leur facilite leur enfantement. Elle ſe deliura donc de Diane & d’Apollon : combien qu’Herodote en ſon Euterpe die qu’ils ſoient enfans de Dionyſe & d’Iſis, & que Latone ne fut que leur nourrice. Mais ſuiuãs la plus commune opinion, Apollon & Diane tuerent à coups de fleches le Python, qui tant auoit perſecuté leur mere. Et pource que nous auons declaré ce poinct auec pluſieurs autres és chapitres d’Apollon & de Diane, ce ſeroit choſe ſuperfluë de le repeter icy : nous adiouſterons ſeulement, qu’Apollon & Diane eſtans venus en aage de connoiſſance ſe retirerent, l’vn en Lycie, & l’autre en Candie, & laiſſerent l’iſle de Delos pour la reſidence de leur mere. Recherchons deſormais ce que les Anciens ont entendu par Latone.

¶Aucuns diſent Latone (que les Grecs nomment d’vn nom ſignifiant Oubly) auoir eté mere d’Apollon, inuenteur de Muſique : c’eſt pource que la ſuauité de l’harmonie muſicale nous fait oublier tous les maux deſquels cette miſerable & ennuyeuſe vie eſt remplie. Merueilleux effets de la musique.Ils diſent auſſi que Diane fut fille de Latone, d’autant que la Muſique à cette vertu de flechir tantoſt les courages des hommes, & les encliner à vne douceur & gracieuſeté feminine ; & tantoſt les eſueille & les enflamme d’vn grand & haut courage, qui les rend vaillans en entrepriſes & rencontres, & de faict Ariſtoxene au liure qu’il a faict des ioüieurs d’inſtrumens, dit qu’vn certain Timothee braue Muſicien venant vn iour à chanter quelques airs de muſique ſur ſes inſtrumens durant le repas d’Alexandre Roy de Macedoine, enflamma ſi vifuement le courage du Roy, qu’il ſe leua de table pour ſauter à ſes armes, comme s’il euſt eu quelque charge à faire ſur ſon ennemy : puis-aprés comme il commenca à pinſer ſes cordes plus doucement auec des accords plus acoiſez, le Roy s’alla remettre à table. Les autres diſent que Diane Deeſſe de la chaſſe, fut fille de Latone ; pource que l’exercice de la chaſſe a beaucoup de vertu pour effacer & abolir les ennuis & chagrins de l’eſprit. Latone fut fille de Cœe & de Phœbé, lequel Cœe fut fils du Ciel, d’autant que le pere & autheur de tous biens, & l’eſprit diuin communique ſa grace & bonté à toutes choſes qui ſont & qui viuent : & n’y a bien aucun qui ne prouienne du ciel par la bonté de Dieu. Ainſi doncques l’Oubliance (ou Latone) de tous maux, eſt fille de la lumiere celeſte. Cette oubliance de maux eſtant pleine d’eſperance & de beauté deſcendant du ciel, eſt eſpouuantee par les calamitez humaines, comme par quelque Python ou ſerpent qui la perſecuteroit : toutefois par l’aſſiſtance diuine elle vient à enfanter des enfans qui mettent à mort ce ſerpent. Les autres (entre leſquels eſt Lyſimache Alexandrin au dixieſme liure de l’hiſtoire de Thebes) ayment mieux approprier cecy à la creation du monde, diſans que les Eſtoilles & le Soïeil furent par vne tres-grande force de chaleur rauis & emportez en haut, lors que premierement aprés la diſtinction de cette maſſe confuſe qu’on nomme Chaos, chaſque creature prit telle forme qu’il pleut au Createur luy donner, & les elemens commencerent à paroiſtre ; la terre eſtant encore molle, bourbeuſe, & flottant ſans aucun ſiege aſſeuré, & la chaleur de l’air l’ayant peu à peu gagnee, auec vne defluxion des ſemences ignees. Car ils diſent qu’alors la Lune occupa la plus inferieure place entre les corps celeſtes, comme eſtant de plus groſſiere nature. Ainſi donc les Phyſiciens ont tenu que Latone fuſt la Terre, à laquelle Iunon s’oppoſa long temps à ce que Phœbus & Diane ne naſquiſſent : Iunon eſt l’air, lequel eſtant humide & peſant, empeſchoit par ſon eſpaiſſeur que ces deux lumieres, le Soleil & la Lune, ne fuſſent veuës, & par maniere de dire, ne naſquiſſent : mais la vertu de Neptun permit en fin que la terre qui auparauãt eſtoit cachee ſous l’eau, ſechaſt, laquelle eſtant ſeche & ſeparee d’auec les eaux, Latone enfanta ; c’eſt à dire, que par la diſſipation des nuees les deux lumieres ſuſdites apparurefit auſſi-toſt. Quant à ce qu’Apollon occit auec ſon carquois le ſerpent qui auoit executé ſa mere ; voicy comme Antipater Stoïque l’interprete : L’exhalaiſon de la terre encore humide & fraiſche eſtant fort frequente, montoit en haut auec vne impetuoſité comme en pirouetant ; mais ne pouuant à cauſe de ſon abondance eſtre digeree par les rayons du Soleil, elle deſcendoit en bas, & corrompoit toutes choſes par pourriture. Cette pourriture, qui ſe faict par la chaleur & l’humidité, endommageoit extremément tous les fruicts de la terre ; ſi que durant cette malignité & inclemence de l’air, rien ne pouuoit naiſtre. Mais il aduint en fin par la prouidence diuine, Neptun l’ordonnant ainſi, que la terre ſeichant peu à peu, & le Soleil deſia renforcé extenuant les vapeurs, cette peſtifere exhalaiſon ceda à la vertu des aſtres. Voila comment Apollon mit à mort ſon ſerpent, c’eſt à dire, dompta par la force de ſes rayons cette pourriture qui gaſtoit las biens de la terre. Suffit quant à Latone : S’enſuiuent les Curetes ou Corybants.