Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Mythologie</em>, Paris, 1627 - X [0] : Que tous les preceptes de Philosophie s’enseignoient jadis par les Fables Conti, Natale 1627 chargé d'édition/chercheur Équipe Mythologia Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle) PARIS
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1627 Fiche : Projet Mythologia (CRIMEL, URCA ; IUF) ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne Nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (France), BnF, NUMM-117380 - J-1943 (1-2)
Français

MYTHOLOGIE,

ov,

EXPLICATION DES FABLES.

LIVRE DIXIESME.

Où ſe voit vn Sommaire particulier de toutes les Fables qui ont eſté cy-deuant expoſees en general.

Que tous les preceptes de Philoſophie s’enſeignoient iadis par les Fables.

IE CROY que l’on peut aiſément recueillir des diſcours precedens, que toute la doctrine des anciens qui concerne tant la cognoiſſance des choſes naturelles, comme l’inſtitution des bonnes mœurs eſtoit iadis affeublée d’enuelopes fabuleuſes. Toutefois il me ſemble que ie ne perdray pas ma peine ſi ie fay icy vn ſommaire de ce que i’ay bien amplement expoſé és liures precedens : ioint que les anciens ont tellement embroüillé de Fables leurs eſcrits, que ceux meſme qui n’ont pas mal profité en l’eſtude des bonnes ſciences, ſont aſſez empeſchez à les demeſler. Car ce que le diuin Platon, Ariſtote, Empedoclés, Parmenidés, Pythagoras & autres ont enſeigné touchant l’ouurage de nature, ou bien des mœurs & complexions d’vn chacun, nous auons cy-deſſus entendu que le tout procedoit de l’artifice des autheurs des anciennes Fables, deſquelles chacun puiſera autant que la capacité de ſon entendement le pourra permettre. Ils ont en- ſeigné que Dieu crea le monde, qu’il conſiſtoit d’vne matiere vniuerſelle : & que par conſequent il n’y en a qu’vn, non pluſieurs : que le Temps naſquit du mouuement du ciel : que les Cieux ſe mouuans rendent vne certaine harmonie ſelon la grandeur des corps : que la matiere de l’æther eſt eternelle : que les elemens ſont ſujets à corruption & changemens ſelon leurs parties, combien que leur maſſe vniuerſelle eſt de Dieu creée en telle ſorte qu’elle peut durer eternellement : Que l’ame du monde, ou bien la vertu diuine preſerue de corruption toutes les choſes ſuſdites : Que la terre eſt immuable, & que tous autres corps ſont agitez de mouuemens perpetuels : Que les parties des elemens ſe corrompent & s’engendrent mutuellement par le moyen de la chaleur & de la froidure de l’air : Que leurs mutations ſont ordinaires & frequentes autour de la terre : Que les greſles, les pluyes, foudres & autres meteores qui s’engendrent en haut, ſe font des vapeurs attirees par les raiz du Soleil : Derechef, que du meſlange & corruption des elemens naiſſent diuers animaux & plantes dont le Soleil moderément chaud eſt autheur : Que tous animaux, & toutes choſes compoſees de pluſieurs commencemens doiuent vn iour prendre fin ; comme ainſi ſoit que tout corps compoſé ſe doit neceſſairement reſoudre en ſes principes. Ils ont compris toutes ces maximes en leurs Fables. Puis aprés ſont venus à l’explication de la nature des plantes & biens de la terre ; monſtrans que ces viciſſitudes & changemens des ſaiſons leur ſont profitables, veu que par leur moyen tantoſt elles prennent force, tantoſt produiſent leur fruict auec vſure. Dauantage, Que la generation de tous animaux ſe faict, ou par corruption, ou par conjonction de maſle & de femelle. La clemence du Ciel apporte beaucoup à leur creation & nourriture, car l’air bien temperé leur engendre vn appetit & deſir de procreer leur ſemblable chacun en leur eſpece. Conſequemment ils ont traitté des changemens & forces de la Lune, l’humeur de laquelle quand elle eſt au plein, & diuiſible à celles qui enfantent, faict croiſtre les plantes, & conſerue les animaux qui ſont ſur la terre. Ils ont attribué pareille faculté au Soleil : & pour cette cauſe l’ont qualifié autheur de medecine & moderateur de la ſanté & peſtilence. Car puis que c’eſt par ſon moyen que la chaleur ſe modere, s’atiedit, ſe renforce & accroiſt : c’eſt à bons tiltres qu’on luy aſſigne tels effects & qualitez. En aprés ils ont montré que tout l’Vniuers eſt gouuerné par la prouidence de Dieu, & que choſe aucune ne peut longuement ſubſiſter en ſon eſtre ſans l’aide & conſeruation du Createur : Que le Soleil eſt miniſtre de Dieu, par le moyen duquel toutes creatures naiſſent & viuent, veu qu’il emmeſle les elemens de la commixtion deſquels s’engendrent tou- tes choſes : Que les ames humaines ſont immortelles, leſquelles eſchappees de leur priſon corporelle reçoiuent ſelon leurs œuures ſalaire, ou de ſalut ou de ſupplice : Que Dieu eſt preſent en toutes les actions des hommes : Que par conſequent il n’eſt loiſible à perſonne de ſe cacher pour mal-faire : Que la ſeule innocence faict comparoir ſans aucune frayeur les ames des treſpaſſez deuant le ſiege de ces rigoureux Iuges infernaux : En ſomme ils ont expoſé par leurs Fables toutes les œuures, toute la diligence de Dieu & de la Nature, qui concerne les Elemens ou les corps qui ſont compoſez d’iceux, ou ce ſimple & diuin corps qu’ils ont appellé ſupernel. Au reſte l’on ne tire pas moindre inſtruction de leurs Fables pour bien & deuëment façonner les mœurs de l’eſprit ; enſeignans que nul ne peut impunément negliger ou profaner le ſeruice & la religion de Dieu : Que toutes choſes ſont ſouſmiſes à la prouidence de Dieu, & que ny bout ny coing, ny lieu tant ſecret ſoit-il, n’eſt exempt de la preſence de Dieu : Qu’il fauoriſe l’induſtrie de l’homme : Que les Demons, meſſagers & miniſtres de Dieu nous guident & conſeillent touſiours, & nous fourniſſent de bons & ſalutaires auis en nos deſſeings. Que la ſapience eſt choſe tres-agreable à Dieu, & que ſur tous autres Dieu ayme le ſage : Que de tous vices l’auarice eſt le plus deteſtable, comme ayant accouſtumé de renuerſer tous droits diuins & humains, voire meſme le ſeruice de Dieu : eſtant certain qu’il n’y a choſe ſi ſaincte & ſi religieuſe ſoit elle, qui ne ſoit violee par auarice : Qu’aucun ne peut eſtre auare & quant & quant homme de bien : Que la ſageſſe eſt neceſſaire à toutes perſonnes, mais ſur tout aux Princes : Qu’vne extreme abondance de biens & de commoditez n’eſt vtile ny neceſſaire à perſonne, veu que des choſes à l’acquiſition deſquelles on ſe ſera beaucoup pené & trauaillé, la iouyſſance en eſt ſi courte : Qu’il faut éuiter cette exceſſiue opulence, comme pleine d’embuſches, d’enuie & mal-veillance : Que les biens prouenans du labourage ſont tres-iuſtes & de bon acqueſt : Que Nature ſe cõtente de peu : Que ceux-là ſont mal-auiſez qui par outrages ou rapines & aux deſpens de la ſueur & peine d’autruy taſchent d’acquerir plus de moyens qu’ils n’en ont beſoin : Que les vicieux ne ſont iamais raſſaſiez de biens, d’honneurs, de voluptez, & autres choſes ſemblables : Qu’il faut s’abſtenir de toute ambition, veu que les eſtats & dignitez que l’on defere aux ignorans & incapables, ſont ordinairement de piteuſe conſequence, & à eux & à ceux qui les ont pourueus : Que nous ne deuons rien demander de ſpecial à Dieu, ſinon ce qu’il ſçait luy-meſme nous eſtre expedient & neceſſaire : Que l’eſtat vniuerſel de tous les hommes eſt tres-inconſtant : Qu’aucun meſchant & prophane ne ſe peut longuement ſouſtraire de la main vengereſſe de Dieu : Que la Loy eſt la Royne des hommes : Que les beſtes peuuent bien diſputer par les armes dont nature les a munies ; mais les hommes le doiuent faire par raiſon : Qu’il ne ſe faut point fier à vn meſchant : Que la grace & bien-veillance des Princes & grands terriens n’eſt point longuement fauorable à aucune mauuaiſe ame : Que celuy qui s’eſt vne fois deſuoyé du droict chemin, & faict meſtier de meſpriſer les loix & la iuſtice, il deuient puis-aprés propre & capable d’executer toutes meſchancetez : Que ſi quelqu’vn s’aſſubiettit de bonne & franche volonté à la ſeigneurie & commandement des voluptez ; il s’abille puis aprés de la forme de diuerſes beſtes farouches : Que perſonne n’eſt capable de ſe garantir des allechemens charnels, s’il n’implore & obtient l’aide de Dieu ; & pourtant qu’il faut faire eſtat que Dieu ayme l’homme ſobre & contient : Que celuy qui ſe ſent épris de quelque ſale appetit & chatoüillement, a beſoin d’vne ſinguliere prudence pour en pouuoir retirer le pied : Que l’ame a deux parties, l’vne qui ſe range volontairement à la raiſon ; l’autre qui n’en veut point ouyr parler : & que la meilleure doit ſeigneurier la pire : Que la religion eſt le fondement de toute probité, & que toute liberalité eſt plaiſante à Dieu : Que la vie humaine eſt aſſaillie d’vne infinité de miſeres & difficultez, deſquelles perſonnes ſans l’aide de Dieu n’a moyen de ſe depeſtrer : Que les exemples domeſtiques des anceſtres ſeruent d’vn poignant eſperon à leur poſterité pour l’induire à ſuiure, ou le vice ou la vertu : Que l’iurongnerie & la diſſolution rendent le corps & l’eſprit inutile à toutes bonnes œuures, & que de l’vſage exceſſif de vin s’enſuiuent beaucoup de des-honneſtes actions : Que la violence de la cholere eſt fort nuiſible à toutes choſes ſi l’on ne la ſçait moderer ; & que l’orgueil, l’opiniaſtreté, l’enuie doiuent rendre obeiſſance à la raiſon & au bon conſeil : Que Dieu hayt extremément toute arrogance & temerité, laquelle il abbaiſſe & deprime, quoy qu’il tarde : Que l’ambition ronge ſur toutes autres le cœur des humains : Que l’orgueil & cruauté des hommes attire aiſément le courroux & l’ire de Dieu ſur eux : Que tous vices trainent quand & eux la peine & le ſupplice qu’ils meritent ; & qu’il n’y a nobleſſe, ny puiſſance, ny richeſſe, ny force qui puiſſe empeſcher que la main de Dieu n’attrape le meſchant pour luy rendre le ſalaire digne de ſes œuures : joint que bien ſouuent vn homme debile en terraſſe vn ſans comparaiſon plus robuſte & vigoureux que luy : Que les ames eſtans immortelles ſouffrent eternellement la punition des forfaicts dont le plaiſir leur fut iadis de fort petite duree : Que tout homme doit mourir, veu que le ſomne, qui a quelque ſimilitude & correſpondance auec la mort, nous en auertit : Qu’aprés noſtre mort nous receurons ſentence & iugement : Que l’innocence eſt le meilleur paſſeport que l’ame puiſſe auoir pour ſe preſenter deuant la majeſté de Dieu : Que nous deuons conformer nos actions en ſorte que le ſouuenir de noſtre vie paſſee nous puiſſe conſoler en l’article de la mort, non pas eſtonner noſtre ame de frayeurs horribles & d’apprehenſions eſpouuentables : Que les mal-viuans ont des bourreaux apres leur mort qui les contraignent de confeſſer leurs pechez commis leur vie durant : Que tous pechez ſont gueriſſables, ou non : Que chaſcune ame eſt apres la mort corporelle punie ſelon la qualité de ſes demerites : Que nous n’auons que faire de nous eſmoyer de la reputation que les hommes nous donnent, pourueu que nous ne faſſions que ce qui eſt de raiſon & ſelon Dieu ; veu qu’il n’y a homme viuant qui ſoit en tout & par tout irreprehenſible. Or puis que ces enſeignemens ſe trouuent comprins és fables anciennes, i’oſe maintenir que ceux qu’on a depuis nommez Philoſophes, ont puiſé les commencemens de leur Philoſophie deſdites fables, & que leur philoſophie n’eſtoit autre choſe qu’vne explication de l’intention d’icelles, par laquelle ils les deſpoüilloient des enueloppes & couuertures qui les tenoient obſcurement embroüillees. Car preſque toute la philoſophie ayant eſté d’Ægypte tranſportee en Grece, il ne faut point douter qu’elle n’ait eſté de main en main enſeignee aux Grecs par contes fabuleux. Et les Preſtres Egyptiens ayans iadis commencé de faire la recherche de la Philoſophie, voulans neantmoins retenir par deuers eux la connoiſſance des choſes ſainctes, afin qu’elle ne veinſt en la notice du vulgaire : ſe mirent en deuoir de forger certaines marques ſous leſquelles ils comprendroient les preceptes de ſageſſe & les ſecrets myſteres de leurs ſainctes ceremonies & le ſeruice de leurs Dieux ; & nommerent leſdites marques, hieroglyphiques : car ils appelloient leurs choſes & reliques ſainctes, hierà & glipho ſignifie grauer. Or ce que les fables Grecques ont de rare & ſingulier : c’eſt que les vnes admettent vne explication hiſtorique, naturelle & morale ; les autres n’en contiennent qu’vne naturelle ; les autres morale, au traicté deſquelles nous propoſerons en quelques-vnes toutes leſdites expoſitions, és autres vne morale ſeulement ou naturelle, croyans qu’vn chaſcun les pourra facilement recueillir ſelon la capacité de ſon iugement. Commençons doncques par Iupiter.