Explication hiſtorique de Iupiter.

CEttuy-cy fut eſtimé Dieu, quand apres auoir debouté ſon pere, de ſon throſne il s’en fut emparé à cauſe qu’anciennement ils adoroient comme Dieux leurs Roys, pource qu’il s’appropria les inuentions de pluſieurs autres, & qu’il ramena les hommes de ſon temps à vne façon de viure plus humaine & plus gracieuſe, d’autant qu’il enſeigna le premier que toutes choſes ſe gouuernoient par la prouidence de Dieu, & dreſſa les cœurs humains à l’inuention & ſeruice des Dieux.

Expoſition phyſique ou naturelle.

CEttuy-cy meſmes eſt quelquefois appellé air, quelquefois ether, ou feu elementaire, quelquefois Soleil, quelquefois deſtin, quelquefois ciel, quelquefois ame du monde, laquelle quand elle agit és corps celeſtes, s’appelle Iupiter Olympien : quand elle eſpand ſa vertu és choſes ſouſterraines, elle eſt dite Iupiter Stygien, ou Pluton : quãd elle la deſploye ſur la mer, elle ſe nomme Neptun. Mais le chaſtrement de Saturne veut dire qu’il n’y a qu’vn monde & vn temps, & qu’il n’y en peut auoir pluſieurs. Les parens de Iupiter ſignifient que Dieu eſt auteur & createur de tout l’Vniuers : & de ſa parenté ſont tous les Elemens. Puis apres leur mutuelle generation & corruption ſelon leurs parties eſt exprimee en ce que toute la maſſe eſt perpetuelle, & les corps celeſtes ne ſe corrompent point, & qu’en terre tout eſt ſubiet à changement. En apres ils enſeignoient que des mouuemens des cieux ſe faiſoit vn concert & harmonie. Derechef les Elemens ne ſont ny maſles ny femelles, combien que toutefois ils facent deuoir & de l’vn & de l’autre. Dauantage toute violence de temps eſt bannie & chaſſee du Royaume de Iupiter : d’autãt qu’apres que Dieu eut creé les corps naturels, Saturne ou le tẽps fit la guerre ſeulement aux Elemens, pource qu’il n’eut moyen d’eſtendre ſa puiſſance ſur le premier & celeſte corps. Voila la doctrine phyſique contenë ſous les contes fabuleux de Iupiter.

Explication Morale.

LA meſme fable nous apprend que toute opulence & exceſſifue abondance de biens eſt pleine d’embuſches, d’enuie & de mal-vueillance, laquelle auſſi s’acquiert bien ſouuent par fraude & deception : car depuis que les hommes ont le cœur eſpris de ce deſir effrené d’entaſſer de l’or & de l’argent, ils viennent aiſement à renuerſer tous droicts d’equité, de religion & d’humanité : au lieu que la tranquillité d’eſprit, l’honneur & reuerence deuë à ſon prochain accompagnent volontiers la pieté & crainte de Dieu. En outre elle montre que le Prince ſage & qui a l’ame bonne ioüit auec tout heur & proſperité de la benediction de Dieu qui luy faict foiſonner toutes ſortes de biens. Item, que l’auarice penetre par tout, qu’elle eſt le fondement de toutes meſchancetez, & que l’homme de bien n’a rien tant à craindre, veu qu’à peine trouue-elle aucun qui luy ferme la porte. En apres, que l’homme addonné aux plaiſirs de Venus prend aiſement toutes formes de beſtes, & s’abandonne à toutes ſales & des- honneſtes actions. Il eſt donc euident que l’homme de bien ne doit point eſtre ſaiſi d’vn exceſſif appetit ou enuie de biens ; qu’il luy conuient ſagement employer ceux que Dieu luy donne ; que la ſageſſe eſt le fondement de felicité, & que l’homme craignant Dieu ſe doit abſtenir de tout acte vilain & indigne de ſa qualité ; toutes leſquelles choſes ſe trouuent enuelopees és fabuloſitez de Iupiter.