De Niobé.

APrés qu’ils nous ont par les exemples ſuſdits exhortez à largeſſe & reconnoiſſance, ils nous ont conſequemment propoſé d’autres Fables pour humilier l’arrogance, l’orgueil & temerité, vices trop ordinaires aux hommes, afin que nous apprinſſions à prendre en gré & ſupporter ſans murmure tous changemens & auentures. Car la plus grand’part des hommes eſleuez en honneurs, en authorité, en moyens, iouyſſans en ſomme de toute proſperité, viennent aiſément à meſpriſer leurs anciens amis, mettre en oubly les biens & les graces receuës de Dieu, & negliger l’honneur & ſeruice deu à ſa Majeſté. Mais la vengeance de Dieu les tallonne de prés, qui peut en moins de rien bouleuerſer toute leur felicité. Pour deprimer cette temerité, & mettre deuant les yeux à chacun l’inconſtance de la felicité de l’homme en ce monde, ils nous ont allegué vn Niobé, ayant en vn iour telle abondance de biens, & iouyſſant de tel contentement & proſperité, qu’elle euſt peu ſouhaiter, puis derechef en meſme iour deſpoüillee de tout cet heur là, pour auoir voulu brauer les Dieux. Semblablement Thamyris trop arrogant à cauſe de ſon excellence en l’art Poëtique, pour auoir oſé conteſter auec les Muſes, ſouffrit telle punition que meritoit ſa temerité. Car il n’eſt pas conuenable de ſe trop affliger en aduerſité, ny ſe trop enorgueillir en proſperité : ains eſtre ſobre & moderé en l’vn & l’autre eſtat, parce que nul bien ne nous auient que de par luy ; car il demet les puiſſans de leur ſiege, & exalte les humbles. Marſias auſſi ne fut pas legerement chaſtié pour auoir voulu faire du pair & compagnon auec le Dieu duquel il auoit appris la Muſique. Pareillement Arachné fut muee en araigne, pource qu’elle fut tant outrecuidee que de defier la Deeſſe qui luy auoit appris l’artifice de tiſtre & de trauailler à l’aiguile.