Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Francis jourdain à Marguerite Audoux

Auteur(s) : Jourdain, Francis

Description
  • Élève d'Eugène Carrière, Francis Jourdain (2 novembre 1876 ‑ 31 décembre 1958)expose des tableaux dès 1897, puis s'intéresse à la décoration (on lui doit les décors de L'Atalante en 1934 ; c'est lui aussi qui dessine les meubles de la romancière, actuellement visibles au Musée Marguerite Audoux de Sainte-Montaine). Dès 1895, il collabore à La Plume. L'artiste se double en effet d'un écrivain, mettant son talent au service de monographies (sur Toulouse‑Lautrec ou Rodin) et de témoignages sur son époque ou son entourage : Né en 76, Jours d'alarme (une chronique de la Seconde guerre), Sans remords ni rancune, où il fait revivre avec humour et émotion les heures de gloire du Groupe de Carnetin. Ses liens avec Marguerite Audoux sont donc étroits, du début à la fin de l'aventure littéraire. Son père, Frantz Jourdain, connaît Mirbeau ; Francis Jourdain va donc lui proposer le manuscrit de Marie‑Claire. Bien que Mirbeau soit alors dépressif au plus haut point, il promeut dignement (et plus que fermement) le premier roman de la couturière. Contrairement à d'autres membres de la famille littéraire (Larbaud, par exemple), Francis Jourdain – et cette correspondance le prouve – restera fidèle jusqu'au bout. Et pourtant… Ses positions politiques (c'est le plus à gauche de tous les amis de la romancière) auraient pu éloigner Marguerite Audoux de cet ami authentique « qu'elle devait appeler, plus tard, « le saint », et qui la déçut tant lorsqu'il prit parti pour la guerre […]. » [Ragon (Michel), « De l'atelier de couture à la gloire littéraire », in Le Monde ouvrier, 13‑19 septembre 1947].
  • Santés précaires de l'épistolier et de son épouse - Lulu (leur fille Lucie)
Texte

[Paris] Mardi soir [24 juillet 1917][1]

Ma bonne vieille,

Agathe[2] a commencé par avoir un assez triste temps et le pays que lui avait tant vanté Jeanne[3], en termes si lyriques, l'a fortement déçue. Mais les enfants ont vite pris bonne mine, mangent comme quatre, dorment, sont contents – C'est l'important et Agathe s'efforce d'apprivoiser son cafard.
Pour ma part je travaille comme un nègre, je suis gai comme un bonnet de nuit, alerte comme un rhinocéros paralysé, ardent comme la cendre froide, solide comme un fromage mou – Je suis un pauvre bougre d'infirme tristement économe de ses pas, emmerdant et emmerdé.
Mon mal s'aggravant, je m'efforce de mettre au point mes affaires de façon à partir à Dax aussi tôt que possible[4]. Je souffre, je suis bien las, bien claqué – et aussi terriblement privé de n'entendre pas le merveilleux rire clair et joyeux de ma chère tendre et adorable Lulu. Je suis si absorbé et si fatigué que je ne sais vraiment pas quand je pourrai aller bavarder un moment avec toi. Ça me ferait pourtant un vrai plaisir. Je pense à toi bien souvent.
Et je t'embrasse, ma chère vieille, bien affectueusement.

Fr[ancis]
26 rue vavin

[1] Lettre envoyée le 25

[2] Agathe Jourdain, l'épouse de Francis

[3] Jeanne Gignoux, la femme de Régis Gignoux. Nous n'avons pu trouver quel était ce « pays ».

[4] Sans doute Francis Jourdain souffre‑t‑il de rhumatismes et envisage ainsi de se soigner avec des bains de boue.

Lieu(x) évoqué(s)Dax, Paris

Géolocalisation

Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 03/05/2024