Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Antoine Lelièvre

Auteur(s) : Audoux, Marguerite

DescriptionPoste au Maroc pour Lelièvre ? - Annonce du départ pour La Haie-Fouassière - Amaigrissement de quinze kilos - Lucile Dugué - Louise et Georges Roche - Lette - Huguette
Texte

[Paris,] Jeudi soir 9 mai[1][1918]

Mon cher ami,

C'est une sale nouvelle que vous m'annoncez là, et j'ai de la peine à me faire à cette idée du Maroc. Ce n'est pas que vous y serez plus mal qu'ailleurs, puisqu'on dit le pays si plaisant, et la vie si facile à y mener, mais l'éloignement est une chose douloureuse entre toutes lorsqu'on a comme vous de si tendres affections à entretenir. Quant à une campagne de presse[2], hélas ! ce n'est guère le moment. Les plus hardis se taisent et se sentent impuissants au milieu de cette tourmente qui rend chacun méchant et méfiant. Il y a quatre ans, on demandait des juges de paix pour le Maroc. Peut‑être que vous serez utile là‑bas. Qui sait ? N'oubliez pas ce tuyau. J'avais aussi avant la guerre une connaissance intéressante au Maroc, à Tanger. Le Chérif Abd El Hakim[3]. J'ignore où il est actuellement, mais, si besoin en est, je le retrouverai. Retenez encore ce tuyau.
Je ne tarderai sans doute pas à quitter Paris. Mon départ était fixé pour hier, mais une petite rechute me retient encore ici pour huit jours au moins. Je vais à La Haie-Fouassière[4], où j'espère me remettre tout à fait au bon air pur et vif du plateau. Le médecin m'assure que mon poumon est tout à fait guéri. Je le crois puisque je respire maintenant à fond. Il s'agit seulement pour moi d'engraisser un peu. Quelle drôle de chose ! Ces dernières années j'engraissais outrageusement sans raison, et voilà que sans raison, je maigris outrageusement. J'ai perdu 15 kilos depuis un an.
Lucile et sa mère[5] sont venues aujourd'hui et nous avons beaucoup parlé de vous. La pauvre Louise était toute triste, son Roche[6] venait de la quitter après sept jours de perm.
Je la vois très bien, votre petite mésange aux yeux bleus[7]. Je n'oublie rien de tout ce que vous m'avez dit d'elle, et je la porte dans mon cœur avec une grande tendresse.
Au revoir, mon cher grand ami. Partagez avec Lette et Huguette le baiser bien tendre que je vous envoie.

Marguerite Audoux
[1] Lettre postée le 10 et reçue le 11
[2] Nous ne saisissons pas à quoi la romancière fait ici allusion.
[3] C'est la seule occurrence que nous ayons de ce nom. Sans doute Marguerite Audoux est‑elle entrée en relation avec ce Chérif grâce à Marie‑Claire.
[4] Pour mémoire, près de Nantes
[5] Lucile Dugué et Louise Roche
[6] Georges Roche, son mari
[7] Huguette, la fille des Lelièvre
Lieu(x) évoqué(s)La Haie-Fouassière, Le Maroc, Paris

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Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 03/05/2024