Archives Marguerite Audoux

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Carte postale de Myriam Harry à Marguerite Audoux

Auteur(s) : Harry, Myriam

Description
  • Première lauréate du Prix Vie heureuse (en 1904) avec La Conquête de Jérusalem (la vie, romancée, de son propre père), Myriam Harry (1869‑1958) représente ainsi un jalon dans l'histoire du féminisme (ce qui ne signifie pas pour autant qu'elle soit elle‑même féministe), en tant que représentante du tout nouveau Prix littéraire, réponse au « Pas de femmes parmi nous » de Rosny aîné, alors président du Goncourt. Myriam Harry est née à Jérusalem d'un israélite russe et d'une doctoresse allemande (luthérienne). Elle a une jeunesse cosmopolite (Londres, Berlin, Paris, les Indes, la Tunisie). Si elle écrit sous le pseudonyme de Siona, on pourrait penser que c'est en fervente sioniste. En réalité, c'est tout simplement parce qu'elle est née sur le Mont Sion.

    Citons, de Myriam Harry, un extrait de « Souvenirs du Femina », article inclus dans une brochure de 1954 pour le cinquantenaire du prix [Louis Lanoizelée, dans son Charles‑Louis Philippe (Plaisir du bibliophile, 1953, p. 80‑81) mentionne déjà ce même fantaisiste passage comme figurant dans La Revue de Paris. Il s'agit donc, pour la brochure en question, de la reprise d'un article déjà édité]. On comprend que c'est à l'occasion du Prix 1910 que les deux femmes ont fait connaissance :

    « Marguerite Audoux présente Marie‑Claire, en même temps que Péguy avec Le Mystère de la Charité, dont il avait vainement espéré le prix Goncourt.
    C'est sous la présidence de Mme Alphonse Daudet, dans ses beaux salons de la rue de Bellechasse, sous les regards des portraits de Renoir, si mélancoliques, des Sisley, si clairs, des Manet, flamboyants, et des rutilantes études de Besnard, rapportées des Indes.
    Je crois que je regardais beaucoup plus les tableaux que je n'écoutais les discussions. On soupçonnait Marguerite Audoux de ne pas avoir écrit son livre toute seule… Avait‑elle été pastourelle ? était‑ce une pauvre couturière ? Vivait‑elle avec… et patati et patata. Je ne savais rien d'elle, mais j'aimais son roman, et lorsqu'elle emporta nos suffrages, j'étais heureuse d'aller lui porter moi‑même la bonne nouvelle. Je ne la trouvai pas chez elle, mais mon mari alla la chercher pour déjeuner chez nous quelques jours plus tard. C'était une petite personne d'agréable tournure, enjouée, «naturellement naturelle» selon l'expression de Jules Lemaître, parlant avec aisance, clarté, pittoresque et très capable d'avoir écrit Marie‑Claire. Comment en avait‑elle eu l'idée ?
    - Charles‑Louis Philippe me l'avait donnée. Il habitait une petite chambre mansardée au quatrième étage, qui voisinait avec celle où, venue à Paris pour chercher du travail, j'étais échouée en plein chômage. Lui, métrait les terrasses des cafés à cent francs par mois, et faisait un peu de journalisme (et, malicieuse, elle ajoute) : il rêvait de métrer les paratonnerres… Je lui racontais mes moutons. «Il faut écrire cela ! Je vous corrigerai.» En attendant il fallait vivre. Nous étions si pauvres que nous n'avions qu'une paire de bottines à nous deux, donnée à Philippe par Gustave Geoffroy, pour lequel le cordonnier les avait faites trop courtes. Elles sont beaucoup trop longues pour son pied. Et pour le mien, donc ! Vous souvenez‑vous combien l'hiver était glacial ? On ne pouvait pas sortir en savates. Il les mettait l'après‑midi pour aller à l'Hôtel de Ville, et moi le matin pour mes courses. Je les attachais à mes chevilles avec des ficelles. Pour descendre cela allait. Mais pour remonter !... la partie vide fléchissait sur les marches. J'essayais de monter de biais en sautillant de marche en marche, comme ça… mais je tombais sur les genoux. Alors je me suis retournée et je grimpais à reculons. C'est long quatre étages ! Avec un seau à charbon à une main et un cabas de pommes de terre dans l'autre. Je n'en finissais pas et les gens dans l'escalier se tordaient. Ils m'appelaient «l'écrevisse».
    Et le rire de Marguerite Audoux sonne clair comme un rire de source.
    - Heureusement cela n'a pas duré. Un matin, en ouvrant ma porte, je vois une ravissante petite paire à douze boutons. Je n'ai jamais su à qui je les devais. »

    Louis Lanoizelée (Ibid.) commente ainsi : « Madame Harry a beaucoup d'imagination. Il est certain que jamais Marguerite Audoux ne lui a dit de semblables racontars. »

    On rappellera en effet que Marguerite Audoux est déjà depuis une vingtaine d'années à Paris quand elle fait la connaissance de Philippe par le truchement de Michel Yell. Elle ne vient donc pas de monter à Paris, et elle n'a d'ailleurs, si l'on excepte Vincennes et la rue de Lagny, jamais quitté le quartier Montparnasse. C'est en réalité depuis longtemps qu'elle emplit ses petits cahiers. Yell les découvre après 1900 (la future romancière arrive dans la capitale en 1881), qui en parle à Philippe, lequel s'enthousiasme. L'auteur de Bubu est bien le promoteur, mais non l'instigateur de Marie‑Claire.

    Cela rectifié, il faut également se méfier de la romancière qui, elle aussi, « a beaucoup d'imagination ». D'où sans doute ces autres articles (où souvent, comme dans cette prosopopée, on lui prête la parole) qui se contredisent. Dans la lettre 32 à Giraudoux, fait non moins curieux, elle le remercie de sa préface qu'elle trouve parfaite (« Vous avez dit exactement ce qu'il fallait dire »), alors que cette présentation s'égare parfois dans des considérations discutables [« [E]lle songea alors, pour gagner sa vie, à écrire. » (Préface de la prépublication de Marie‑Claire dans La Grande Revue de Jacques Rouché, 14e année, n° 9, 10 mai 1910, p. 14‑15 – p. 14 pour ce passage ‑)].

    Ce que dit Myriam Harry elle‑même, en revanche, est tout à fait exact, en particulier les propos des dames du Fémina. Le 25 novembre 1910, Alain‑Fournier écrivait à Péguy : « [U]ne des dames de la Vie heureuse répand le bruit imbécile que ce n'est pas Marguerite Audoux qui a fait son livre. Et les dix‑neuf autres dindes en sont tout effarouchées. » (Alain‑Fournier – Charles Péguy, Correspondance 1910‑1914, Fayard, 1973, p. 30). Tout en laissant à Alain‑Fournier la responsabilité de ses formules, on ne peut donc que constater que ces affabulations ont bien été (et sont encore) proférées.

  • Voeux et invitation à déjeuner
Texte

[Paris, janvier 1919 (?)[1]]

Chère Madame,

Vous ne pouviez me faire un plus grand plaisir qu'en m'envoyant votre aimable souvenir. Nous vous envoyons nos vœux bien sincères et nous serions enchantés de vous avoir à déjeuner – dans la plus grande confraternité – dimanche le 2 février ou bien n'importe quel autre dimanche qu'il vous plaira de nous fixer.
Bien amicalement[2].

Myriam Harry
[1] L'allusion au dimanche 2 février laisse trois années possibles au‑delà de la première guerre (1908 est impossible, et 1913 improbable) : 1919, 1930 et 1936. Le « chère Madame », plus distant que le « Chère Amie » de la lettre du 12 avril 1926, peut laisser supposer que cette carte est antérieure. Mais ce n'est là qu'une présomption, les relations ayant pu s'interrompre, ou s'espacer entre 26 et 30 ou 36, ces deux derniers millésimes demeurant ainsi éventuels. On notera cependant qu'en janvier 1930, Marguerite Audoux souffre de neurasthénie. Voir la lettre de Marcel Ray à Valery Larbaud du 27 janvier 1930 : « Francis Jourdain me dit que Marguerite est devenue, depuis quelques mois, plus sombre, plus amère, plus susceptible et tourmentée d'hypocondrie que jamais, et qu'elle vit dans une réclusion volontaire et presque totale. » [Valery Larbaud – Marcel Ray, Correspondance (1899‑1937), Gallimard, 1980, tome III, p. 146‑147].
[2] amicalement et la signature figurent en haut à droite, à l'envers, à côté de Chère Madame.
Lieu(x) évoqué(s)Paris

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Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 03/05/2024