Archives Marguerite Audoux

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7 cartes postales de Georges Reyer à Marguerite Audoux

Auteur(s) : Reyer, Georges

Description
  • Description de l'île et anecdotes
  • Ici commence la reproduction de dix cartes postales (découvertes en Vendée chez les héritiers indirects, Geneviève et Michel Laurent-d'Aubuisson) envoyées par Georges Reyer de l'Île‑d'Yeu. Les sept premières du 18 juillet, ici présentées, sont écrites à la suite, et forment un seul envoi, que nous réunissons sous l'IDENTIFIANT 358.
Texte
  • (1)
    [Île-d'Yeu,] Lundi 18 juillet [1932[1]]
    C'est un vrai paradis, mon bon maître, que votre Île-d'Yeu.
    J'y suis depuis huit jours à peine et il me semble n'avoir jamais vécu ailleurs.
    Savez-vous d'où je vous écris ?
    Du petit port de la Meule où j'ai déniché une petite bicoque, « La Dunette[2] », perchée tout en haut de la colline qui fait face au port.

    [1] Le calendrier perpétuel indique trois millésimes possibles pour un lundi 18 juillet : 1921, 1927, 1932. Les deux dernières années semblent les plus plausibles. En 1921, Reyer n'a que vingt‑deux ans, et la première trace épistolaire que nous ayons de lui dans la correspondance alducienne date du 5 novembre 1928 (lettre 328 de Reyer à Marguerite Audoux) ; puis il lui réécrit le 22 janvier 1929 (lettre 331). Il est ensuite cité par Félix Joffre (lettre 334 de Félix Joffre à Marguerite Audoux – voir la note 5) le 29 octobre 1929 ; puis, par le même à la même, dans les lettres 337, 338, 345 et 361, qui vont du 13 juin 1930 au 27 décembre 1932. A vrai dire, rien ne prouve que Reyer connût la romancière en 1927, alors qu'en 1932, on est au cœur d'une relation dont nous avons le témoignage épistolaire de 1928 à 1936 (date du Magasin de travestis, second roman que Reyer fait parvenir à la romancière avec un envoi). Enfin, l'Île‑d'Yeu redevient présente dans la vie de Marguerite Audoux à partir de 1928. C'est en effet de ce lieu qu'elle écrit à Paul d'Aubuisson, en 1928, qu'elle n'y est pas retournée depuis 1924 [Lanoizelée (Louis), Marguerite Audoux, Plaisir du bibliophile, 1954, p. 144]. de plus en plus fidèle à Saint‑Raphaël, où vont Louise et sa fille, on ne la retrouve qu'en 1933 en Vendée. Il y a donc de fortes chances pour que la correspondance de Reyer à Marguerite Audoux de l'Île‑d'Yeu date de 1932, année qui se situe entre deux séjours, en ces lieux, de la romancière, qui a pu conseiller au journaliste de s'y rendre, et cela sans doute pas avant 1928.
    [2] La dunette est le château arrière d'un galion, là où se trouve le capitaine en observation. Reyer louait cette maison à Marc‑Adolphe Guégan (1891-1959), journaliste français qui fut et reste le poète de l'Île-d'Yeu, où il est né, et à laquelle il a consacré son œuvre.
  • (2)
    Votre nom ici m'a partout servi de viatique. Je suis on ne peut plus copain avec la mère André[1]. Nous parlons bien souvent de Bellonni[2] et toujours je pense à vous.
    Je n'ai oublié aucune de vos recommandations. Grâce aux dieux, j'ai pu jouir de l'arrivée à Port-Joinville[3], n'ayant pas eu le mal de mer.
    [1] Tenancière célèbre d'une buvette du port de La Meule, qui assurait éventuellement la restauration
    [2] Un pêcheur de la Meule. Par rapport à Port‑Joinville, le port de la Meule est spécialisé dans les casiers et la pêche en haute mer (thon, et surtout sardines).
    [3] Port‑Breton devient Port‑Joinville à la fin du XIXe siècle. C'est là où l'on débarque du continent.
  • (3)
    Ce port est une merveille. Les voiles et les coques flambent dans le grand soleil qui rend éblouissantes les façades blanches des maisons.
    Mais ici, à la Meule, c'est le paradis. Quand les pêcheurs sont en mer, c'est un calme extraordinaire. Nous sommes des journées entières sans voir la face d'un Parisien. Jugez
  • (4)
    de notre[1] joie ! Nous ne vivons que parmi les pêcheurs et les paysans. Tous sont déjà nos amis. Nous allons ensemble à la pêche. Ces bougres sont beaux comme des dieux, avec leurs corps dorés, leurs vieilles vestes rouges devenues vieux rose à force d'avoir été lavées, et leurs pantalons bleu de ciel. Il en est un surtout qui est franchement magnifique. Je béais l'autre jour d'admiration
    [1] Reyer n'est donc pas seul pour ces vacances. Il est vraisemblablement en compagnie d'une amie, comme le laisse entendre l'envoi suivant, inachevé.
  • (5)
    en regardant ses pieds – des pieds superbes qu'on aurait dit coulés en bronze chair[1].
    La chose qui m'a le plus surpris, c'est l'affabilité, la gentillesse des gens d'ici. Nous sommes déjà les enfants du pays. Si nous les écoutions, ils nous donneraient tout ce qu'ils ont.
    Les pêcheurs nous gavent de poissons, et quant aux cultivateurs, c'est toute une histoire pour leur faire accepter le prix des légumes qu'ils nous recèdent[2].
    Comme on se sent bien loin de Paris !
    [1] Ou clair ?
    [2] En particulier des pommes de terre, mais aussi des carottes et des asperges. Le goémon épandu sur la terre légère de l'île donne un goût particulier à ces produits.
  • (6)
    Un trait qui dépeint bien l'exquise mentalité de ces gens : un soir, ayant beaucoup de poissons à faire cuire, nous allons demander à la mère André[1] si elle n'aurait pas une grande marmite à nous prêter ; la bonne femme ne fait ni une ni deux et, malgré nos protestations, retire de la cheminée la grosse marmite où cuisait sa soupe et nous force à l'emporter !
    Comment ne pas être heureux dans un pareil pays ? Pour moi, j'y vis comme je n'avais jamais vécu, dans une sérénité totale, dormant, flânant ou rêvassant, le corps grillé et les yeux noyés de ciel.
    [1] Voir la deuxième carte de cet ensemble (note 1)
  • (7)
    On nous a dit que M. Callot devait arriver ces jours-ci. Ce monsieur n'est-il pas le peintre dont vous m'aviez parlé et dont j'ai admiré les toiles cet hiver[1] ?
    Je pense, mon bon maître, que vous êtes en bonne santé, et que votre Paul va mieux.
    Je vous envoie tous mes sentiments les meilleurs.
    Georges Reyer
    La Dunette
    Port de la Meule Île-d'Yeu (Vendée)[2]
    [1] Il s'agit en effet d'Henri‑Eugène Callot (La Rochelle 20 décembre 1875 – Paris 22 décembre 1956), élève de Jules Lefebvre et Tony Robert‑Fleury. Il exposa au Salon des Artistes Français jusqu'en 1936. C'est sans doute là que Reyer a pu admirer ses nus et ses paysages. Callot découvre l'île en 1902 et prend l'habitude, à partir de cette date, d'y séjourner une partie de l'année. Peintre de l'eau et des reflets, graveur de talent à la recherche du ton juste et de la lumière fugitive, observateur attentif de la mer, il est également pêcheur à ses heures à bord de ses canots, La Jeune Lucienne et La plus belle, ancrés à la Meule, dont il fait partie, et où tout le monde l'aime et l'apprécie en raison de sa simplicité, de sa discrétion et de sa bonté.
    [2] Ainsi se clôt, avec la reprise de la formule d'appel qui est coutumière au journaliste, y compris dans ses envois (« Mon bon maître »), cette suite de sept cartes postales réunies à l'évidence dans une même enveloppe.
Lieu(x) évoqué(s)Île-d'Yeu

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Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 03/05/2024