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« Je crois que je suis l’homme le moins fait pour bâtir un roman. », affirme Paul Valéry dans une lettre à Gaston Gallimard. Il ajoute aussitôt après : « Toutefois, je vous confesse que je suis en train d’essayer le montage d’un conte fantaisiste ou féerique. Je voudrais obtenir un système de composition très étrange à la vérité, et aussi éloigné que vous voudrez l’imaginer de la fabrication ordinaire, mais adapté à mon genre d’esprit, qui me paraît de travailler selon mes manies et mes forces, à un ouvrage d’apparence ‘roman’. » Le genre impossible ou improbable qu’est le roman se voit donc détourné vers « un ouvrage d’apparence ‘roman’ » et, plus spécifiquement, vers le conte – vers une série contes que Valéry a songé de regrouper autour du titre Histoires brisées.

Ni le recueil ni, à vrai dire, aucun des contes qui auraient dû le composer n’a atteint un état achevé du vivant de Valéry. Le volume des Histoires brisées, publié par Gallimard cinq ans après la mort de Valéry, en 1950 est, en réalité, une fabrication de l’éditeur, à partir d’une série de dactylographies et de manuscrits relevant d’une écriture en chantier et par conséquent en devenir.

Figure 1 Histoires b.JPG

Pages de garde de l'édition originale des Histoires brisées (Gallimard, 1950).

C’est cette écriture en devenir que prétend restituer notre édition génétique numérique de Robinson. Elle revient des pages, séduisantes mais factices, fixées par l’édition posthume, vers l’écriture qui germe dans l’ensemble des documents – feuillets dactylographiés et manuscrits, notes plus ou moins élaborées ou embryonnaires – laissés par l’auteur. En reconstituant le dossier génétique du conte elle aspire, en même temps, à le rendre lisible et intelligible, à dégager le jeu complexe des interactions entre les éléments hétérogènes qui le composent. Dans cette perspective, les recours du numérique offrent d’immenses avantages : la présence en vis-à-vis de l’image numérisée des brouillons et de leur transcription rend aisé le passage de l’un à l’autre. Il devient possible également de dessiner un ordre sans en exclure d’autres, de superposer plusieurs agencements possibles et, ainsi, de représenter les métamorphoses et les translations, les fluctuations et les intersections dont s’accompagne la genèse du conte.

Fig 2 Site R.JPG

Cahier "Robinson", numérisation et transcription en vis-à-vis.

Pourquoi, parmi la dizaine de contes que comporte l’édition des Histoires brisées (et parmi la vingtaine que comporte le dossier des ébauches et projets) avoir choisi Robinson ? Il s’agit, d’une part, le conte dont l’élaboration est la plus travaillée : on y voit au travail les soucis d’un Valéry poète en prose. Mais Robinson est aussi, aux côtés de Faust ou de Narcisse, de Monsieur Teste ou de Léonard, un des grands mythes de l’esprit valéryen, la figure privilégiée pour inscrire ses projets de Table rase, ses fantasmes d’insularité.

Fig 3 N'es-tu le Robinson.JPG

Première note extraite dans les Cahiers ayant trait à Robinson.