La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)

La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)


56. Discours de Monge aux capitaines régents de la République de Saint-Marin

Auteurs : Monge, Gaspard

Transcription & Analyse

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Le 21 pluviôse de l’an V
 
La  liberté qui, dans les beaux jours d’Athènes et de Thèbes, transforma les Grecs en un peuple de héros, et qui, dans les temps de la République, fit faire des prodiges aux Romains ; qui, depuis et pendant le court intervalle qu’elle a lui sur quelques villes d’Italie, a remonté les sciences et les arts et illustré Florence[1] ; la liberté était presque bannie de l’Europe ; elle n’existait que dans Saint-Marin, où par la sagesse de votre gouvernement et surtout par vos vertus, vous avez conservé ce dépôt précieux à travers tant de révolutions, et défendu son asile pendant une si longue suite d’années.
Le peuple français, après un siècle de lumières rougissant de son long esclavage, a fait un effort, il est libre. L’Europe entière, aveuglée sur ses propres intérêts et surtout sur les intérêts du genre humain[2], se coalise et s’arme contre lui ; ses voisins conviennent entre eux du partage de son territoire, et déjà  de toutes parts ses frontières sont envahies, ses forteresses et ses ports sont au pouvoir de ses ennemis ; et ce qui l’afflige le plus, une partie de lui-même allume la guerre civile, et le force à frapper des coups dont il doit ressentir toutes les atteintes.
Seul, au milieu de cet orage, sans expérience, sans armes, sans chefs, il vole aux frontières, partout il fait face, et bientôt partout il triomphe.
Parmi ses ennemis, les plus sages se retirent de la coalition. D’autres sont successivement forcés d’implorer une paix qu’ils obtiennent ; enfin il ne lui en reste plus que trois[3] ; mais ils sont passionnés et ils n’écoutent que les conseils de l’orgueil, de la jalousie et de la haine. Une des armées françaises, forcée d’entrer en Italie, y détruit l’une après l’autre quatre armées autrichiennes, y ramène la liberté et s’y couvre presque sous vos yeux d’une gloire immortelle.
La République française, qui ne verse tant de sang qu’à regret, contente d’avoir donné un grand exemple à l’univers, propose une paix qu’elle pourrait dicter.
L’armée d’Italie, pour conquérir la paix, est donc obligée de poursuivre un de ses ennemis[4] et de passer tout près de vos états.[5]
Je viens de la part du général Bonaparte[6] déclarer à l’ancienne République de Saint-Marin, au nom de la République française, paix et amitié inébranlable.
Citoyens, il peut arriver des changements dans la constitution politique du peuple qui vous environne. Si quelque partie de vos frontières était en litige, ou même si quelques parties des états voisins, non contestées, vous étaient absolument nécessaires, je suis chargé par le général en chef de vous prier de lui en faire part. Ce sera avec le plus grand empressement qu’il mettra la République française à portée de vous donner des preuves de sa sincère amitié.[7]
Quant à moi, Citoyens, je me félicite d’être l’organe d’une mission qui doit être agréable à nos deux Républiques respectives[8] et qui me procure l’occasion de vous témoigner l’admiration, que partagent avec moi tous les amis de la liberté.

[1] Une discrète référence à l’idée de progrès en  associant le régime républicain et progrès des sciences et des arts. Voir les lettres n°4 et 5.

[2] Deuxième référence à l’idée de progrès qui associe perfectionnement de l’esprit et bonheur de l’espèce humaine. Voir supra.

[3] L’Autriche, l’Angleterre et le Pape.

[4] L‘armée papale.

[5] Voir la lettre n°55.

[6] Napoléon BONPARTE (1769-1821). Voir la lettre n°57.

[7] Voir les lettres 57, 64 et 91.

[8] Voir le récit de sa mission à sa femme, lettre n°58.

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Notice créée par Marie Dupond Notice créée le 12/01/2018 Dernière modification le 11/02/2022