Archives Marguerite Audoux

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Lettre de Marguerite Audoux à Paul d’Aubuisson

Auteur(s) : Audoux, Marguerite

Description- Paul d’Aubuisson (1906-1990) est l’aîné des trois petits neveux de Marguerite Audoux. C’est son fils adoptif préféré, celui qui jusqu’à sa mort veille sur la mémoire de la romancière, le flambeau ayant été repris par ses deux enfants, Geneviève et Philippe (à qui Bernard-Marie Garreau doit l’accès au fonds d’Aubuisson, qui se trouve chez lui), ainsi que par son neveu Roger. Une abondante correspondance entre Paul et sa mère adoptive s’inscrit dans le corpus des lettres familiales et familières (dont l’identifiant commence par le chiffre 0). B.-M. Garreau a rencontré Paul d’Aubuisson en 1987, et réalisé plusieurs enregistrements de leurs entretiens.
- Les Muller sont les amis de Saint-Cyr-sous-Dourdan qui hébergent depuis novembre la romancière, attelée à son troisième roman.
- Vitali est une voisine rue Léopold-Robert.
Texte

Dimanche [4 janvier 1925]

 

Mon petit enfant,

Depuis que tu es parti il n'a pas plu une seule fois. C'est sûrement parce qu'il savait que tu allais pleurer que le temps n'a pas cesser de pleurer sur nos têtes, pendant ces quatre jours. Tous les jours nous avons du soleil maintenant et c'est chic pour la promenade. Je pense à toi maintenant, sur les routes, et je t'imagine marchant à côté de moi et bavardant comme une vieille pie.

Je te remercie pour le papier d'argent, d'étain. Oui, donne les papiers à ta mère. Chez nous ils peuvent s'égarer et cela ferait des histoires. As‑tu envoyer les 200 frs du mois de Maurice ? Et ta mère, celui de Roger ?

N'oublie pas de répondre à cela.

Pour la thermos, je vais demander à Maman Line d'aller l'acheter au B[on] M[arché], où il y en a sûrement. Comme Il me faut aussi de l'eau de Cologne pour mes frictions, ils me livreront le tout ensemble. Tu donneras l'argent à Maman Line, et je te le rembourserai avec le reste. La thermos qui est chez nous, on la fera réparer plus tard et elle nous restera. Car autrement le pauvre père Muller l'aurait en été et alors, il n'en aura plus besoin.

J'ai reçu une gentille carte de Madeleine. Si tu la vois, remercie-la pour moi, et dis-lui que je suis contente de la savoir mariée à son goût. Sa carte était bien joyeuse pour l'annonce de ce mariage,

J'ai reçu une gentille lettre de Suzanne Werth (1). Va la voir un soir après ton dîner, et dis-lui que je l’aime de tout mon cœur, mais que je préfère qu'on ne vienne pas me voir, car je veux terminer mon bouquin le plus vite possible. Et toute visite est pour moi un dérangement.

Je pense que c'est Lucien qui a envoyé le jeu de dames, parce que tu joues avec lui à ce jeu.

Autrement je ne vois pas. Déballe-le, tu verras s'il y a une carte ou un nom dedans. Et puis je m'en fous.

Au revoir mon petit enfant, travaille bien, porte-toi bien, danse bien, et reste mon petit garçon.

Ta tante

  1. Audoux

 

Ma Vitali. Je pense que tu ne laisses pas perdre le beurre fondu qui est dans le grand pot. Ça vient de ma passer par la tête que tu l'oubliais peut-être.

Je t'aime bien et je t'embrasse fort.

 

(1) On ne possède, dans ce corpus, que la correspondance de Marguerite Audoux à Suzanne Werth (l’épouse de Léon) durant la Première Guerre mondiale (9 lettres).
Lieu(x) évoqué(s)Paris – Saint-Cyr-sous-Dourdan
État génétique« nous avons du soleil maintenant » : maintenant est ajouté dans l’interligne supérieur. Les soulignements sont de l’écrivaine.
Notice créée par Richard Walter Notice créée le 26/04/2024 Dernière modification le 03/05/2024