Archives Marguerite Audoux

Archives Marguerite Audoux


Lettre de Marguerite Audoux à André Gide

Auteur(s) : Audoux, Marguerite

DescriptionPrise en charge d'un aller et retour Toulouse-Morlaix pour Michel Yell
Texte
[Paris, début juin 1910[1]]

Cher Monsieur,

Michel serait tout disposé à venir passer ses vacances en Bretagne avec un petit groupe d'amis ; j'ai quelqu'un qui lui aura un billet demi-tarif de Paris à Morlaix, mais il faudrait que quelqu'un d'autre puisse lui procurer un demi-tarif ou même un billet complet, si cela est possible, de Toulouse à Paris aller et retour[2].
J'ai étudié la ligne de Bordeaux, Nantes, et Landerneau[3], mais cela est trop compliqué et allonge le voyage indéfiniment. Voulez-vous être assez bon de vous en occuper de suite, ou de me dire si vous ne voyez aucune possibilité à cela ? Je ne connais absolument personne à qui m'adresser sur l'Orléans [sic], et pourtant c'est presque indispensable que Michel se retrouve avec nous[4]. Je crois que cela lui rendrait un peu d'excitation dont il a grand besoin [sic] pour son travail. À son dernier voyage ici, c'est à peine s'il a eu le temps de voir ses amis.
Il faudrait que ce billet lui parvienne au plus tard le 29 de ce mois‑ci. Soyez assez bon de penser à lui ; je suis sûre qu'il vous en serait très reconnaissant, et moi aussi, naturellement.
Depuis hier j'ai deux lettres du Lampadaire. Elle veut, dit-elle, me développer une idée qu'elle mûrit depuis longtemps[5].
Bon grand Saint Philippe[6], donne-moi du courage et de la patience!
J'ai envoyé le porte-plume à Van de Putte[7].
Avez-vous fait envoyer Dans la petite ville[8] au Lampa[daire] ? Elle me l'a réclamé.
Bien sincèrement à vous.

Marguerite Audoux


[1] Datation du Professeur D. H. Walker

[2] La lettre doit dater du 7 ou du 8 puisque Gide, le 9, l'envoie à Eugène Rouart, assortie de ce commentaire : « Si Iehl en a le désir je crois qu'il faut faire le possible et l'impossible pour lui faciliter ce voyage, afin d'empêcher que ne s'accrédite une légende que je sens en train de se former parmi certain groupe de Parisiens, sur la captivité de Iehl à Fronton. Et plutôt que de le voir retenu là‑bas par manque d'argent je préférerais lui payer ce billet (Toulouse‑Paris), comme je fis déjà pour un précédent voyage, avant qu'il ne fût juge. » (HRHRC, même source, sans cotes, que la présente lettre). Le 5 juillet (voir la lettre 44), le problème du retour, pour la partie Paris‑Toulouse, n'est de nouveau pas réglé (ce qui laisserait entendre que le reste du voyage l'a été), Michel étant alors à Plougasnou avec Marguerite. Sur l'attitude de Rouart par rapport à cette relation finissante, voir à la partie "notes".
[3] Pour un voyage Toulouse‑Morlaix qui ne passerait pas par Paris.
[4] un peu est barré entre se retrouve et avec nous.
[5] La fameuse publication du livre sur Charles‑Louis Philippe, où se trouverait la correspondance entre lui et Emma Mc Kenty
[6] Allusion à Charles‑Louis Philippe, comme dans l'antépénultième paragraphe de la lettre 40
[7] L'orthographe de ce nom (parfois écrit en un seul mot) varie selon les éditeurs et les critiques. Rappelons qu'Henri Vandeputte est un écrivain belge ami de Charles‑Louis Philippe et que leur correspondance (1896‑1907) a été éditée à la NRF en 1911.
[8] Voir la note 16 de la lettre 34.

Notes
ROUART (Eugène) (1872‑1936)

Eugène est le fils d'Henri Rouart (1833‑1912), grand industriel, artiste peintre et collectionneur, et le grand‑oncle du romancier et académicien Jean‑Marie Rouart (1943). Tout en exerçant des activités d'ingénieur agricole, il mène une carrière d'écrivain (La Villa sans maître, Mercure de France, 1898 ; La Maison du Bien‑Être, dont plusieurs extraits sont publiés dans L'Ermitage en février, mars et avril 1900 ; quelques nouvelles et essais qui paraissent dans L'Ermitage, Antée et L'Occident). Il est l'un des fondateurs et un collaborateur de L'Archer, revue de culture, d'art et de littérature créée vers 1930 à Toulouse. En 1902 il va se fixer dans le canton de Fronton, sur le domaine de Bagnols, dont il fait une exploitation modèle et un centre d'expérimentation et de rayonnement avant d'acquérir d'autres terres. Il est maire de Castelnau d'Estrétefonds de 1905 à 1919, élu Conseiller d'Arrondissement du canton de Fronton le 28 juillet 1907, et, de janvier 1908 à juillet 1909, chef de cabinet du ministre du Commerce et de l'Industrie Jean Cruppi, député de la Haute‑Garonne. Enfin (voir la lettre 50), il est élu Conseiller général de Fronton à la suite des élections du 24 juillet 1910, et le demeure jusqu'à sa mort en juillet 1936. Il devient également Sénateur de la Haute‑Garonne en 1932. Sa vie durant, il favorise la carrière d'artistes et d'écrivains, par exemple Francis Jammes. Il existe aussi d'importantes correspondances avec Paul Valéry et Henri Ghéon. C'est le 2 février 1893 qu'il rencontre pour la première fois André Gide. Ce dernier le sollicite avec insistance pour agir en faveur de la carrière de Michel Yell qui, étudiant en droit en 1902, est contraint de payer ses études en travaillant comme employé à la Compagnie des Chemins de fer de l'Est. Les démarches seront longues. En 1908, on retrouve Yell à La Loupe, puis l'année suivante, enfin, à Fronton comme juge de paix. Le groupe de Carnetin ne prise pas spécialement Eugène Rouart qui, par son influence, soustrairait Michel à ses amis. Francis Jourdain, en particulier, confie son amertume à Marcel Ray, à qui il écrit le 11 novembre 1911 que Rouart, selon lui, est plus intéressé par ses intérêts électoraux que par la carrière du jeune juriste qu'il sollicite pour l'aider dans ses campagnes. Il eût aimé s'entourer de « gens à lui » pour prévenir le scandale où risquaient de l'entraîner ses tendances homosexuelles. (Médiathèque Valery-Larbaud [R.Jou 1]). Rouart enfin, comme Gide, Ruyters et d'autres, n'est nullement favorable à la relation entre la romancière et son protégé. Il explique cependant sans ambages à Gide son énervement face à ce qui serait une légende, la « séquestration » de Yell à Fronton pour le soustraire à la fréquentation de Marguerite Audoux. Selon lui, le jeune homme lui‑même ne se prive nullement auprès des fraîches beautés du cru, et son éloignement et sa relative froideur envers la romancière ne sont donc pas le fait d'un complot. (Renseignements aimablement communiqués par le regretté Professeur D. H. Walker, de l'Université de Sheffield en Grande-Bretagne).
Lieu(x) évoqué(s)Morlaux, Paris, Toulouse
État génétiqueUn un peu barré entre se retrouve et avec nous

Lettres échangées


Collection Correspondants

Cette lettre a comme destinataire :
GIDE, André

Afficher la visualisation des relations de la notice.

Géolocalisation

Notice créée par Bernard-Marie Garreau Notice créée le 17/12/2017 Dernière modification le 03/05/2024